DOLE, UNE VILLE MOYENNE ET SON DESTIN

DE LA VILLE COMTALE A LA VILLE DU XXIe SIECLE

Du bourg comtal à la ville du XXIe siècle : mémoire historique, dynamique économique et patrimoine culture

Jacky THEUROT

Agrégé de l’Université, Docteur d’Etat ès Lettres

Professeur honoraire de l’Université de Franche-Comté

Lier la découverte de Dole au « Chat perché » c’est rappeler les fameux contes de Marcel Aymé (1902-1967), dont les années d’enfance et d’adolescence sont associées à cette ville, « théâtre de l’œuvre littéraire » de l’auteur[1]. Le chat est le symbole en bronze gravé qui, au sol des rues, montre le chemin. Mais comme l’animal vous vous surprendrez en déambulant à lever la tête, car les façades en ces rues sont hautes et animées, et au cœur des jardins et des places vous trouverez à vous poser. En cette ville l’histoire épouse la topographie, et d’un quartier à l’autre, du canal à la haute ville, celle-ci est « perchée » (escaliers, déclivité des rues).

            Dole est d’abord « un site », et les auteurs qui se sont plu à la décrire, de Louis Gollut aux écrivains contemporains, ont affirmé cette heureuse disposition de la ville,  dominant la vallée du Doubs, placée sur un gradin de roche placée sur la longue corniche qui court de Saint-Vit à Choisey. Si vous prenez le temps d’observer le paysage urbain, du canal, ou en descendant de La Bedugue comme Arsène dans la Vouivre de Marcel Aymé, ce sera une évidence. Graveurs, lithographes, dessinateurs, peintres, photographes n’ont cessé de « portraiturer » la ville depuis son flanc sud[2].

La topographie souligne la forme de la ville et il s’en dégage une réelle beauté. La couleur de la pierre, celle des tuiles, les frondaisons verdoyantes du printemps, les hauts clochers de Notre-Dame surtout et des Jésuites, la proximité de l’onde, composent « une ambiance toute théâtrale » d’où se dégage une « atmosphère singulière »[3]. Dans ce cadre, Dole a développé une histoire plus que millénaire. La plus grande ville du département du Jura, en position excentrée dans l’espace comtois, proche de la Saône et de la Bourgogne, a une histoire particulière qui permet de comprendre la personnalité acquise, la genèse de son architecture, voire ses potentialités dans la nouvelle région[4].

cl.1 – Dole panorama 2020

Les premiers jalons de l’histoire : des origines au tournant du XIVe siècle[5].

            C’est aux temps antiques que l’homme prit possession du site dolois : la voie romaine joignant Chalon-sur-Saône à Besançon empruntait le site (de la rue des Arènes vers la rue Marcel Aymé, du secteur des Commards en direction de Brevans, sur lequel se fixa un petit fanum vers Plumont et une nécropole, et un cimetière antique aux Commards. Mais s’il exista une « agglomération antique » faite de plusieurs noyaux, ce ne fut pas une « ville ». Le haut Moyen-âge épousa cette réalité (maintien de cimetières aux Perrons et aux Commards, toponyme continu d’Arans, de Saint-Ylie au cœur actuel de la ville, hameau de Gujans près de Brevans), un hameau se fixant au sud-ouest de la ville (les Perrons).

La citation de Dole surgit d’un texte autour de l’an 1000, en référence à Crissey, village de rive gauche du Doubs ; la chapelle comtale des Perrons est citée en 1083, Dole est mentionnée comme castellum en 1092. On entre alors dans l’Histoire. A l’origine, la corniche (en haut de la rue du Château) fixa une structure castrale appartenant au comte de Bourgogne, dominant le Doubs et ses « accrues » (îles) permettant de franchir le lit du Doubs de façon précaire. Mais rien de décisif sur le devenir du lieu. C’est le XIIe siècle qui fut l’étape majeure : en 1120, les religieux de Baume-les-Messieurs, ayant obtenu du prince la chapelle des Perrons en 1083, migrèrent vers la rive du Doubs, près du passage, sous la protection du château et érigèrent un prieuré qui devint centre de paroisse, détaché d’Azans ; avant 1130 un péage existe au niveau de la rivière ; en 1162 l’empereur-comte Frédéric Barberousse, époux de Béatrice, fille du comte Rainaud III, fait construire une puissante forteresse de pierre (lieu de résidence), à laquelle s’appuya le nouveau bourg : c’est l’amorce de la ville[6].

cl.2 – le château de F.Barberousse (v.1160) d’après le père Martellange, 1610. Col.B.N., cl.J.Theurot

 

Du XIe siècle au terme du XIIIe siècle, siècles dynamiques comme ailleurs en Occident, la ville ne cessa de se développer. Des faits probants l’attestent : citation de deux portes, d’un four près de l’hôpital Notre-Dame d’Arans, près de la « vieille porte » (bas de la rue Mont-Roland), de la maladière au-delà de La Bedugue, du vieux marché près de la « maison » de Cîteaux établie depuis les années 1140 (à l’emplacement nord du collège de l’Arc) , de l’hôpital à la tête du pont intégré à l’ordre hospitalier du Saint-Esprit (sous Azans). La construction de la première église Notre-Dame à partir des années 1230 (sous Othon III), près du bourg marchand dominant la rue des Chevannes (rue Pasteur), le quartier artisanal (tanneurs, tisserands) près de la rivière, est un fait significatif. Surtout, la comtesse Alix de Méranie octroie en 1274 une charte de franchises qui évoque un espace élargi et fortifié (incomplètement du côté de la rivière), institue un corps de quatre échevins chargés de la gestion de la ville, levant l’impôt (pour le pont, les fortifications, écluses, chaussées), la ville restant vassale de la puissance  comtale[7]. Une halle est érigée près de la nouvelle église pour les foires et les marchés (couplées à celles d’Auxonne), fréquentés par des marchands juifs et lombards (tour) en lien avec la Bourgogne et l’Italie (par Salins et Pontarlier), participant à l’actif axe d’échanges transjuran[8]. Dole apparaît comme une ville carrefour, pôle essentiel du domaine comtal.

Le traité de Vincennes en 1295 vit la Comté cédée au roi de France Philippe le Bel – Jeanne la fille d’Othon IV et de Mahaut d’Artois épousant l’un des fils du roi, Philippe[9] – et plaça Dole au contact des deux Bourgogne. Certes le XIVe siècle fut fort troublé, les textes évoquant la peste Noire dès 1348, les chevauchées des Compagnies de 1360 à 1368 (siège de Dole en 1363-1364), engendrant destructions et mortalités, abandon de terres, en particulier dans le territoire proche de la ville. Mais Dole résista à ces « malheurs des temps » et au cours du XIVe siècle une enceinte plus vaste fut érigée, avec de nouvelles rues (du Vieux Marché /rue du Collège, rue du Champ/rue Arney), alors que le commerce renaissait (halles des tanneurs et des drapiers jointes par une boucherie en 1371), tandis que Notre-Dame devenait le siège d’un chapitre (1304-1308) ; un couvent franciscain, avec l’appui de la comtesse Marguerite et de ses conseillers se fixa près de la rue du Bourg (rue des Arènes), vers 1372. La ville et ses alentours s’activent, produisent, échangent, satisfont ses besoins spirituels ; nobles, bourgeois, chanoines et familiers de Notre-Dame y enracinent leurs biens, en tirent blé, vin, y font élever porcs et bovins ; Goux, Saint-Ylie, Brevans, Champvans, La Loye, Rochefort…, procurent main-d’œuvre et terres, leurs gens gagnent foires et marchés pour trouver des produits rares, vendre les leurs.

Dole capitale : du milieu du XIVe siècle  au terme du XVIIe siècle, un moment essentiel.

 

            Le temps médiéval

 

            Lorsque le duc de Bourgogne Philippe le Hardi reçoit par mariage et héritage le comté de Bourgogne, Dole est intégrée à cet ensemble territorial des Bourgogne. Surtout, alors qu’il y siège depuis 1377 de façon régulière, le duc-comte y fixe le Parlement dès 1386: c’est une structure essentielle à l’administration de la justice et à l’exercice du pouvoir du prince en Comté. La ville entame une phase nouvelle de son histoire, car même si l’expansion de la population et la densité urbaine ne s’accrurent que peu, Dole devint une capitale provinciale, sans résidence princière toutefois. Les séances du Parlement certes peu nombreuses ne mobilisent pas une « bureaucratie » importante ; mais chaque fois que le bailli réunit les parlementaires, qu’ils évoquent « les affaires » comtoises, jugent les causes en appel, c’est à Dole que cela se passe. De plus, dès les années 1350 le Trésorier du bailliage d’aval, souvent un Dolois – citons Guiot, Estevenin, Jaquot Vurry, marchands de sel, habiles manieurs d’argent – gère en partie les recettes et dépenses comtales. Ces hommes, marchands et juristes – les Carondelet, les Basan et Chassey, Regnier de Mailly marchand venu d’Auxonne – « investissent » les rouages de l’administration et sont proches du prince.

            Le XVe siècle, temps des grands ducs d’Occident, qui mit Dole en phase avec les « terres bourguignonnes », est un premier Siècle d’Or. Abritant les édifices du Parlement, superbement bâtis entre 1420 et 1422[10], appuyés aux nouvelles halles en pierre (construites entre 1414 et 1422), Dole fut close de murailles du côté de la rivière vers 1430, accueillit en 1422 l’Université des deux Bourgogne animée par de doctes professeurs tels Antoine de Roche, Etienne de Lavangeot, Raymond de Marlian et Anselme de Marenches recrutés en Italie, et des étudiants. Un bailliage sera créé pour elle la même année. Aussi, lorsque Philippe le Bon vint inaugurer son Parlement, en 1422, ce sera l’occasion d’une « joyeuse entrée », fête rassemblant plus de 1000 chevaliers venant prêter serment de vassalité, mais aussi des légistes comme Nicolas Rolin, des prélats, accompagnés de damoiseaux, de pages, de domestiques. La ville vivra désormais à l’unisson de cette notoriété : drapiers, épiciers, orfèvres et potiers d’étain, barbiers, parcheminiers, et d’autres métiers collecteront les produits et objets nécessaires aux parlementaires lors des séances (bois de chauffage, cire, parchemin, boissons, fruits…), aux enseignants et étudiants, mais aussi aux chanoines « prébendés » ; le plat-pays fournit les maçons et charpentiers, hommes rompus aux grands ouvrages ; le patrimoine foncier et immobilier du clergé, constitué par les testaments et dons destinés à s’assurer de son salut auprès de chanoines et prêtres « compétents », s’inscrit dans le pays dolois. Les « bons pères » franciscains qui prêchent l’aide au prochain, sont des intercesseurs recherchés dans une ville de 4000 habitants où la richesse côtoie la pauvreté ; le couvent – qui épousa les idées de réforme de sainte Colette – fait rayonner Dole en direction de Nozeroy, les Thons en Lorraine, aux confins de la Saône à Chalon et même jusqu’à Belley et Rome ; son scriptorium nourrit les « librairies » de ces couvents[11].

cl.3 – Le sceau de l’Université de Dole de 1424 au XVIIIe siècle, Arch.mun.Dole, cl.M.Ferroli

 

La ville vit alors à un autre rythme. L’horloge mécanique installée au beffroi de la tour de Chamblanc (hôtel de ville) en 1419 répond au son des cloches. Les terres voisines de la ville portent froment blanc, vigne et gras pâturages ; la forêt de Chaux voisine est parcourue de centaines de porcs qui vont garnir les étals de la nouvelle boucherie (1426), l’écorce des chênes alimentant les tanneries de la rue des Chevannes. Drapiers, artisans du cuir fréquentent assidûment les foires d’Auxonne et des autres villes du pays comtois. Cette prospérité est à l’origine  de la construction en pierre comme le montrent Parlement, halles, boucherie et demeures des notables. Des rues nouvelles s’organisent, de Besançon, de Saint-Georges (rue du Parlement), de Belregart (Hôtel-Dieu), de Niqueney (rue Boyvin)… L’hygiène se diffuse par les rues pavées, pourvues d’égouts (vers la boucherie), le cimetière est dégagé des halles lors de leur reconstruction. Les familles des marchands (du Champ, Toubin, Frémy, Drouhot…), plus encore les légistes, occupent les fonctions échevinales. Désormais la capitale sent au moins autant le parchemin encré que la marchandise ; son rôle administratif, judiciaire, universitaire place les robins au faîte de la société.

            Un temps les appétits de Louis XI et les deux sièges de 1477 et 1479 répondant à la « folie » guerrière de Charles le Téméraire, vont interrompre ce temps de bonheur et de prospérité, même si les habitants défendirent avec force leur honneur et leur attachement à la dynastie bourguignonne. Mais par ruse, en mai 1479, les Français prirent Dole, causant destructions et morts, comme l’illustre la peinture de l’ouvrage de Diebold Schilling de Berne.

Le temps de la Renaissance

Mais, même si nombre de murs avaient subi l’incendie, si les rues étaient peu animées, si des destinées avaient été fauchées par la mort, nombre de maisons étaient encore debout, les Cordeliers épargnés, la collégiale malmenée mais accueillant les séances du conseil de ville ; les habitants, mis à rançon ou ayant fui revinrent. Cette fière capitale aurait pu être anéantie ; or dès 1481 le conseil de ville délibère, obtient de Charles VIII le rétablissement de l’Université en 1484, les maçons et charpentiers relèvent les maisons détruites, bientôt les bâtiments du Parlement, rétabli en 1490 alors que Pierre Mettlinger, un premier imprimeur, venu de Bâle via Besançon, séjourne à Dole[12] .

Avec le traité de Senlis restituant la Comté aux Habsbourg en 1493, nobles, bourgeois, artisans et menu peuple relancent la vie et l’activité. Les maisons bâties selon les principes d’une architecture encore gothique s’ornent des blasons sculptés des Carondelet, Rye, Marenches… ; les fenêtres à accolades, les escaliers en tourelle expriment un savoir-faire qui peut sembler rustique alors que l’Italie vit la Renaissance.

            La nouvelle collégiale déjà souhaitée en 1478, est lancée à l’assaut du ciel, près de la place du marché, en février 1509[13]. De gothique flamboyant pour son chevet, sa nef et une large part de sa structure, elle laisse place aux canons de la Renaissance pour son mobilier intérieur (tombeau Carondelet de 1540, chaire de Denis le Rupt (1556), jubé-tribune et portail), et surtout par le couronnement de son puissant clocher-porche dû au Dijonnais Hugues Sambin (1584). Long, coûteux, rassemblant les deniers des quêtes et les dons divers dont ceux des princes, le chantier produit une église à la valeur symbolique, affirmant la volonté du corps de ville et des habitants de redonner gloire à leur ville, montrant l’intensité de leur foi[14], en une capitale située au cœur d’un bastion catholique. Les « serviteurs » de Charles Quint et Philippe II surtout, les La Tour, les Rye, les Vurry, Chaillot, Boisset, Laborey de Salans, Richardot, Chassey, de Marenches, du Champ, de Saint-Mauris…, feront ériger de solides hôtels particuliers au fil des rues majeures.

cl.4 – La collégiale Notre-Dame (1509-1586), basilique depuis 1951.

            Dans une ville ceinte d’un solide circuit bastionné entre 1541 et 1603, sur ordre de Charles Quint d’abord, selon les conceptions du Gênois Ambroise Précipiano, puis de Claude de La Villette et de Sébastien del Isola ensuite[15], les nobles et les bourgeois actifs au Parlement, gouvernement de la province, les maîtres de l’Université gagnés aux idées humanistes (Antoine Lulle, Nicolas Belloni, Dumoulin…), les principaux du collège Saint-Jérôme et de celui de Cîteaux, les Jésuites et leur collège dès 1582, dominent l’enseignement, mais surtout assurent le renom de la ville voyant venir nombre d’élèves et étudiants étrangers. La ville bruit à la manière d’un « atelier » tant la construction est active derrière Hugues Sambin, les Le Rupt, Maire, Lulier et bien d’autres, habiles à l’usage du ciseau à pierre, dégageant les formes ornementales dans le calcaire mais aussi la pierre marbrière de Sampans, Saint-Lothain, Miery à des fins décoratives, élevant façades, portails certes à Notre-Dame, aux Cordeliers et multiples couvents des Carmélites, Annonciades, Carmes…, aux hôtels des Froissard, Champagney, Laborey de Salans, Richardot…[16]. La vie économique s’en trouva stimulée : les odeurs d’épices envahissaient les halles, les étoffes de Flandres châtoyaient les yeux de leurs couleurs, les librairies occupaient la place en diffusant gaillardement des « ouvrages séditieux » tout en se méfiant des sergents, de l’œil averti d’un Cordelier ou d’un Minime ! La « petite patrie » de Louis Gollut, la capitale de Jean Boyvin , a largement pourvu aux besoins intellectuels et spirituels d’une capitale se sentant menacée par l’hérésie luthérienne et calviniste, distante vis à vis des idées nouvelles.

            Cette communauté urbaine, rassemblée par-delà ses différences sociales par le sentiment d’appartenir à une ville capitale, subit au XVIIe siècle nombre d’épreuves. Dès 1595 les dames cisterciennes d’Ounans se replient à Dole par peur d’un coup de main des soldats d’Henri IV. En 1636 la menace se concrétise : les armées de Condé au nom du roi de France assiègent la ville de tous côtés comme l’illustre le plan gravé et la toile de Nicolas Labbé, bombardent, affament une population dont la peste s’empare, comme en d’autres circonstances au XVIe siècle. Fierté et foi, courage – on implora Dieu en vénérant l’Hostie de Faverney déposée en la Sainte-Chapelle des avocats – donnèrent aux Dolois un esprit de résistance hors du commun, au prix fort (morts, destructions) ! Aussi lorsque Condé dut lever le camp, Ferdinand de Rye et Jean Boyvin furent loués comme les héros de ce combat, malgré la tristesse liée à une forte mortalité[17]. La ville, se recomposa et accueillit nombre « d’immigrés » savoyards, d’autres aussi. Les maisons furent remises d’aplomb comme le fier clocher de la collégiale découronné ; la vie reprit. Mais en 1668 encore et en 1674, La France de Louis XIV, plus forte face à une ville ayant perdu une part de son âme, mit fin à ce destin prestigieux ; l’heure était aux grands Etats centralisés, et la Franche-Comté rejoignit le royaume de France, non sans réticences[18]. Face à la plus ancienne et la plus grande ville de la province, après avoir bénéficié des hasards de l’histoire, Dole s’inclina, devint une simple ville de la province française, perdant son Parlement puis son Université au terme du XVIIe siècle.

cl.5 – Le siège de Dole en 1674 par J.B. Martin des Batailles, 1674, Musée des Beaux-Arts, cl.H.Bertand

 

De la conquête française aux « révolutions »: la croissance d’une ville de province.

            Cette nouvelle situation de la ville modifia son corps social : nobles, juristes et professeurs quittèrent en partie la ville, gardant un pied-à-terre, des biens à Dole et dans la campagne, des amitiés. Plus encore, le paysage urbain subit une « opération chirurgicale » lorsque Vauban , cédant au roi, fit raser le circuit des murailles bastionnées – sauf le bastion du Pont – Dole n’apparaissant plus comme utile à la défense du « pré-carré » français. Les ordres religieux, richement dotés, vécurent sur leur lancée. Mais les Dolois devaient ressentir une curieuse sensation après avoir connu une sorte de gloire.

            Du XVIIIe siècle aux « révolutions », une orientation majeure

            Toutefois, un bilan au terme du XVIIIe siècle, avant la Révolution, permet de relativiser cet amoindrissement,  car la ville connut de véritables « révolutions » :

Celle du nombre. D’abord la ville compte 9000 habitants contre 4500 au terme du XVIIIe siècle. La paix ici comme ailleurs, la fin des épidémies dès 1720 (peste), l’accroissement du « bol alimentaire » permirent à nombre d’enfants d’échapper aux risques sanitaires de la petite enfance, aux couples de les voir grandir. En pays dolois, pourtant meurtri par la guerre de 10 ans, Dole conserva un rôle attractif ainsi que l’attestent la présence d’une bourgeoisie d’offices et marchande, de familles nobles, d’artisans nombreux, d’emplois domestiques facilités par une campagne riche de populations en surnombre, des activités multiples, des échanges actifs (marchés et foires), Dole reste l’une des grandes villes de la province et l’observation des patronymes et des lieux d’origine, livre les noms de Champvans, Biarne, Peintre, Rochefort, La Loye, Mont-sous-Vaudrey, Montmirey, Pesmes, Chaussin, parmi bien d’autres.

Celle ensuite du paysage urbain. En effet en rasant les murailles, Vauban libéra la ville d’un carcan de pierre. L’axe de la rue de Besançon déboucha vers 1700 sur les «terreaux », puis sur la place Neuve et une rue Neuve au bord de laquelle, vers 1736 s’éleva l’hôtel de Valdahon et d’autres édifices. Le bas de la Grande rue, fut aligné en direction du pont enjambant le canal des Tanneurs et de la porte du Pont qui ouvrit entre 1754 et 1764 sur le Grand Pont. La rue d’Arans (des Arènes) connut l’amorce d’un prolongement avec des hôtels particuliers au nord, bientôt les casernes au sud, qui structurèrent une sorte de nouveau « faux-bourg ». Ceci se lit dans l’aménagement des rues, bientôt éclairées, dans un goût nouveau pour l’hygiène avec la floraison de fontaines – celle d’Arans face au Pavillon des Officiers, celle de la rue cordière (place aux Fleurs), de la rue du Collège, de la petite place face à l’hôtel Bereur, celle de la place Royale au flanc de la collégiale – où Claude-François Attiret exerça son art. Et la ville s’orna de jardins, au cours Masson vers le Manège, au jardin Philippe (entre Doubs et canal), au Champ de Mars (Pasquier), surtout au cours Saint-Mauris. Ce Siècle des Lumières, ici aussi, montre son goût d’un espace aéré, hygiénique et champêtre.

cl.6 – Le Pavillon des Arquebusiers au front du Pasquier, XVIIIe siècle. Cl. J.Theurot

Celle de l’architecture et du décor urbain. La ville s’enrichit de nouveaux édifices autrement ordonnés et décorés. Les hôtels particuliers qui structurent le nord de la rue du Collège, qui jalonnent la rue Arney, du Gouvernement, Marcel-Aymé, du Parlement, Grande rue, de l’Hôel-Dieu, des Arènes, les portails ouvrant sur l’hôtel Laborey de Salans (rue Mont-Roland), les escaliers flanquant la façade de l’hôtel Rigolier de Parcey, desservant l’hôtel Terrier de Santans (rue de Besançon), la maison de la confrérie de la Croix (Grande rue), les riches rampes et balustrades de fer d’époque Louis XV et Louis XVI…, d’autres chantiers qui conduisent à la transformation de l’essentiel du couvent des Cordeliers (cloître et bâtiments) sont bien les signes d’un dynamisme retrouvé, d’une certaine prospérité sociale, le signe aussi d’une révolution monumentale et artistique.

Le XIXe siècle : Dole devient une ville industrielle et ouvrière.[19]

            La Révolution martela certains blasons, renversa l’originale statue pédestre de Louis XVI en 1792 (ornant la fontaine de la place Royale/place Nationale)…, certes. Elle modifia la possession urbaine par la redistribution des biens d’Eglise aux acquéreurs de biens nationaux (un Simon Vuillier, un Joseph Rossigneux…), sans que cela n’ait d’impact sur l’urbanisme. Pourtant elle se soucia des échanges : la commission administrative du département siégeant à Dole entre 1793 et 1795, décida d’allouer des crédits pour la mise en forme du canal du Rhône au Rhin, en suivant le projet de l’ingénieur Bertrand.

            Ce temps d’effervescence passé, au cours de la première moitié du XIXe siècle d’autres transformations eurent lieu – comme le cours Clémenceau actuel qui fut aménagé, le Champ de Foire évoqué dans le roman La Vouivre, la construction du Théâtre qui fut menée de 1840 à 1844 sur la rue Mont-Roland, le réalignement de rues par des modifications de façades, rue de Besançon (hôtel Terrier de Santans), rue Marcel-Aymé, l’élévation de maisons bourgeoises place de la Sous-Préfecture… – mais c’est surtout autour de 1850 que d’autres « révolutions » apparurent. Dole participa à l’aménagement du canal du Rhône au Rhin (canal Napoléon) achevé au niveau de Dole un peu avant 1840, le port étant aménagé au pied du Prélot et du bastion du Pont. L’autre événement majeur fut l’arrivée du chemin de fer en même temps que la construction de la Gare en 1854, nécessitant le percement de l’avenue de la Gare en 1857 (avenue Aristide Briand) mais amputant l’ancien collège Saint-Jérôme. Dole se trouva ainsi sur un axe essentiel, complété ensuite par des lignes vers le Jura et la Suisse, et devint une plaque tournante du trafic. Mais la révolution industrielle fut tardive. Les usines de bleu à azurer le linge, les fabriques de bougie, les tanneries, surtout les fonderies installées au pied de La Bedugue , près du Doubs, n’eurent jamais une expansion considérable. Il fallut attendre l’aube de la Belle Epoque pour que l’usine des Radiateurs bientôt transférée auprès de la gare de la Bedugue, sur la ligne du chemin de fer « présidentiel », se développe, comptant près de 800 ouvriers, l’essor de l’entreprise fromagère d’Otto Graf non loin de la gare, les fonderies Audemar transférées de Foucherans à Dole, pour que la ville devienne une ville industrielle et ouvrière, l’une des plus importantes du Jura.

cl.7 – Le quartier industriel de la rive gauche, début XXe s., rive gauche du Doubs. Col. Et cl.J.Theurot

            Accompagnant ces révolutions successives, l’espace urbain connut quelques modifications. Suscitant des critiques par son style, la grande halle du marché couvert fut dressée vers 1883, la halle aux grains près du canal et face à la Charité de même ; le cours Saint-Mauris abrita un kiosque (détruit dans les années 1950) et surtout la ville fit aménager le versant au regard du canal en jardin anglais (arbres, grottes, circuit d’eau…) ; les abattoirs quittent le bas de la ville pour la rive gauche du Doubs, au pied de La Bedugue en 1875, tandis que le cimetière avait quitté la proximité de la ville pour l’avenue menant à Landon ; des casernes se dressent au faubourg de Chalon et en celui de Gray, des écoles primaires, antres du savoir conquérant, gagnaient les faubourgs de La Bedugue et aux Commards. C’est alors que l’on glorifie les grands hommes, Grévy en 1893 sur la place Pingon, et plus encore en 1902, Pasteur, enfant de la ville et « bienfaiteur de l’humanité », au cours Saint-Mauris [20].

Du XXe au XXIe siècle : la mise en valeur des potentialités de Dole et de son territoire.

            Si les deux guerres mondiales meurtrirent la ville, par la mort de nombre de ses « enfants », les douleurs de l’Occupation, la période 1914-1945 semble plus atone. Le Moulin de la Sourdine de Marcel Aymé, la Maison des Autres de Bernard Clavel peignent l’atmosphère dans une ville que ces auteurs ont aimé. La ville devenue « ouvrière », poursuit sur ses anciennes activités  avec la Compagnie nationale des radiateurs, les fonderies Bermond, Nelaton et Moniotte, la fromagerie Graf, l’usine Fagot (pains d’épices), les imprimeries, les deux usines Jeanrenaud. La vieille ville évolue peu, mais les faubourgs se pourvoient de petits pavillons et immeubles (HBM rue des Paters par exemple) et sur les hauteurs, en rive gauche du Doubs, à la Bedugue et au Boichot, près du quartier industriel. La grande nouveauté naît hors la ville, à Tavaux, en 1928, avec l’installation de l’usine chimique Solvay[21].

De Charles-Laurent THOUVEREY aux années DUHAMEL

Au lendemain du second conflit mondial, comme d’autres villes de sa taille, en raison d’un environnement rural moins porteur d’activité (mécanisation de l’agriculture, fermeture des vieilles entreprises), Dole attira une nouvelle population, celle du baby-boom, la population passant de 18250 habitants en 1946 à 29000 en 1968. Culminant à près de 30 000 habitants au recensement de 1975, la population connut ensuite une baisse continue, compensée jusqu’aux années 2010 dans les communes alentour par le phénomène de périurbanisation. Stabilisée autour de 24 000 habitants, elle amorce aujourd’hui une légère progression alors que les communes de l’Agglomération poursuivent leur développement de manière raisonnée, dans le cadre d’une vision intercommunale portée par un Programme Local de l’Habitat (PLH).

L’évolution démographique évoquée ci-dessus, montre que nombre de villages de la couronne doloise captèrent de jeunes ménages. Devant cet afflux, les élus engagèrent une réflexion approuvée dès 1958, et le projet d’une Z.U.P. fut confié aux architectes Maurice Novarina, Savoyard habitant Paris et Pierre Clément de Dole, en août 1963. Tandis que le projet du nouveau Lycée technique (intégrant un collège) s’engageait en 1961, puis que s’amorce sa construction entre 1965 et 1969, la construction de la Z.U.P. au sud-ouest du cœur de Dole, entre la colline de Plumont et le village de Saint-Ylie, grignota un espace encore rural (champs, jardins, vergers), occupa les réflexions des élus dont Jacques Duhamel.

           Ce nouveau quartier s’inspira des conceptions de Le Corbusier, utilisant le béton armé, avec une grande variété dans la forme des immeubles (barres, tours, balcons), et de larges espaces de circulation[22]. Le nom du quartier, les « Mesnils-Pasteur », sera retenu en 1967, mais dès avril 1966 la construction bat son plein et trouvera son terme en 1978. Remodelée par la destruction d’îlots amorcée dès 1988 – car on avait à la fois vu trop grand et bien sûr pas prévu la crise des années 70 – elle a toujours du mal à trouver son rythme de vie malgré toutes les procédures dites de « politique de la ville » qui se poursuivent aujourd’hui: les relations entre habitants sont parfois difficiles en raison des regroupements « ethniques », d’une petite délinquance. Malgré les équipements le liant au centre ancien (avenue de liaison dédiée à Léon Jouhaux, Hôpital Louis Pasteur ouvert en 1973, Lycée Jacques Duhamel agrandi en 1996 selon les plans de Christian Schouvey avec une façade élégante sur cour, Collège Bastié ouvert en 1974, Centre des Impôts ouvert en 1975, zones pavillonnaires, antenne de la Médiathèque), les aménagements des années 2008-2014 visant à une requalification, ce quartier reste encore à l’écart. L’ambitieux programme de rénovation urbaine (PRU) conduit dès 2006 se poursuit avec une nouvelle convention PNRU signée en 2020.

cl.8 – Le secteur sauvegardé de Dole. Cl. H.Bertand

A la charnière de la ville ancienne et du faubourg qui s’étoffe le long de l’avenue de Chalon (avenue Jacques Duhamel), près des casernes de Brack, est érigée entre 1961 et 1964 l’église Saint-Jean, église des temps modernes au cœur d’une nouvelle paroisse. Cette ville se soucie aussi de son passé : face à un centre ancien qui à l’orée des années 60 apparaît triste et dégradé, où le bâti ancien a subi la patine du temps, les magasins ont des vitrines encore vieillottes aux boiseries désuettes, des rues apparaissant même peu recommandables (rue Jean de Vienne, rue Chifflot, rue des Dames d’Ounans, rue Pasteur), où le confort n’est pas toujours le lot des habitations, l’équipe municipale de Charles Laurent-Thouverey tout en engageant prioritairement le nouvel ensemble de la Z.U.P, s’est souciée dès 1952 du devenir problématique de l’ancien couvent des Dames d’Ounans : cédé par l’Etat, renové selon des méthodes qui ont heurté les tenants de l’ancien (destruction de l’intérieur de la chapelle), il devint le lycée ouvert à l’automne 1964 et prit le nom de Charles Nodier[23].

Cette opération marqua une nouvelle orientation, et c’est Jacques Duhamel, nouveau venu dans le Jura et à Dole, dans le sillage d’Edgar Faure qui, saisi par le message de l’ancienne capitale, obtint entre temps le classement de toute la vieille ville en secteur sauvegardé, en 1967 (bouclé en 1993 !). Une force pour mettre en valeur la ville, une charge pour les particuliers. Dès lors des opérations « chirurgicales » furent engagées à l’orée des années 70 avec la mise à bas des « îlots insalubres » de la rue Chifflot, de la rue Jean de Vienne, de la rue des Dames d’Ounans qui, très vite, allaient laisser place à une annexe du Lycée (dortoirs, cafétéria, infirmerie…), suscitant encore force critiques. C’était l’époque Malraux marqué par la prise de conscience de l’intérêt des « vieilles pierres » ! Mais la fin des 30 Glorieuses d’abord, les aléas de l’économie avec les fermetures d’entreprises (Jeunet, imprimerie Delcey, Amphenol, Ideal-Standard…), le ralentissement d’activité, même chez Solvay, hypothèquent alors un développement qui aurait dû, selon les projets du temps de Jacques Duhamel (SDAU 1975),  faire de Dole une ville de 55000 habitants !

cl.9 – L’autoroute, Solvay et le pôle industriel Innovia au sud de Dole près de Tavaux

Les transformations depuis les années 80 du XXe siècle

 

Ce classement en secteur sauvegardé est devenu la loi. Par une action conjointe des équipes municipales et des particuliers entreprenants et amoureux de la ville, Dole a fait une grande toilette, la ville est devenue coquette, et est désormais, depuis 1993, ville d’Art et d’Histoire. Cela suppose de sensibiliser la population à son bien-fondé, et ne permet aucun relâchement car le patrimoine est fragile[24].

De 1983 à 2008 la ville a résolument engagé sous la conduite de son maire Gilbert Barbier, de nombreux chantiers de rénovation pour de nouvelles affectations : le Refuge – entre temps prisons puis collège technique – a laissé place, projet alors controversé, au nouvel Hôtel de Ville livré en 1988, qui affiche au cœur de ville le souci de rendre Dole accueillante par une opération de requalification en limite ouest des anciens remparts, sur un secteur particulièrement déqualifié. Dans le même temps, une action forte est menée sur la rue Pasteur et le quartier du Prélot, partie basse de la vieille ville, où une opération caractéristique des années 70 de « rénovation urbaine et restauration immobilière » (RU-RI), avait vidé le quartier d’une large part de ses habitants sans pour autant amorcer un processus de rénovation, laissant ainsi le quartier dans un état d’abandon prononcé ; par une démarche originale mêlant initiative privée ou publique (HLM)  sur le bâti et action publique sur les espaces, la rue Pasteur a retrouvé ses petits pavés, fenêtres à accolades, portes cochères, escaliers en tourelle, toitures de petites tuiles qui ont pris un air plus gai, accueillant le graveur Sosolic, des restaurants, et en 1995 la rénovation de la Maison natale de Pasteur, puis la réouverture de la Grande fontaine au milieu des années 80, place du Prélot, ont complété cette nouvelle orientation. Dans les rues, les façades des XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, voire plus récentes, exhibent des décors insoupçonnés ; les casernes devenues Lycée Prévert, le manège devenu Salle des Fêtes (1969), l’Hôtel-Dieu devenu Médiathèque (2000), le collège Saint-Jérôme devenu Auditorium (2007), la reprise en mains quasi totale de la Collégiale (extérieur et intérieur plus encore, chantier achevé en 2009 pour ses 500 ans) – et d’amples constructions – pont de la Corniche ouvert le 15 avril 1995, centre aquatique du parc Isis (2000), passerelle entre stade et quartier de la Commanderie (2005), Commanderie (2006) – pour ne parler que d’actions essentielles : La Commanderie, geste architectural majeur dû au crayon de Brigitte Metra  au regard  de la vieille ville, instaure un dialogue entre patrimoine ancien et patrimoine contemporain et affirme l’importance d’une implantation en cœur de ville pour un équipement majeur à l’échelle d’un territoire. Les casernes Brack ont elles aussi connu une transformation radicale au début des années 80 ; la salle des Fêtes a connu quelque aménagement avec le balcon du Carrousel en salle de conférences vers 2010, les derniers bâtiments des abattoirs ont été détruits en 2011.

cl.10 – Le réseau des communications autour de Dole

Cette action forte sur le cœur historique engagée en 2014 a constitué un thème majeur de l’action municipale des 6 dernières années, portant sur cinq axes constituant la « démarche cœur de Ville », allant de l’amélioration de la gestion quotidienne du centre-ville au traitement de ses accès en passant par le renforcement des services et du commerce notamment via une opération FISAC, l’accompagnement de la rénovation de l’habitat au moyen d’une OPAH, et la requalification des espaces publics sur lesquels la dernière opération forte remontait à la fin des années 70.

            Cette démarche aurait inspiré les auteurs du programme national « Action Cœur de Ville » mis en place en 2017 en faveur de la revitalisation des centres villes des agglomérations de taille moyenne. Aussi, la Ville de Dole et la Communauté d’Agglomération du Grand Dole font  partie « naturellement » des 222 villes lauréates du programme à travers une convention signée le 21 juin 2018 qui poursuit la démarche engagée vers une offre attractive de l’habitat en centre-ville, un développement économique et commercial équilibré, un développement de l’accessibilité, la mobilité et les connexions, une mise en valeur des formes urbaines, de l’espace public et du patrimoine, ainsi qu’un meilleur accès aux équipements, aux services publics, à l’offre culturelle et de loisirs. Cette action visant à affirmer la ville centre et son potentiel à l’échelle de l’Agglomération, « territoire administratif jeune » donc forcément en construction et en recherche d’identité, constitue un des deux piliers de la stratégie territoriale mise en œuvre sur le Grand Dole. 

cl.11 – Aspects de la fête à Dole : cirques et fanfares.

 

Des éléments de prospective[25]

Certes la chapelle des Jésuites attend sa réhabilitation, de même que le collège de grammaire, le couvent des Cordeliers une affectation, l’îlot de l’Arsenal un aménagement, et tout l’espace cours Clémenceau/Ecole Jeanne d’Arc une nouvelle perspective (pôle santé…). L’école des Beaux-Arts trouvera peut-être bientôt un logis dans le bâtiment XVIIIe de l’ancienne Ecole Paul Pialat, la MJC une implantation à définir. Après la réhabilitation de l’ancienne usine des Radiateurs et sa conversion sous la houlette du Grand Dole, en lieu de salons et de foires nommé « Dolexpo », la rive gauche accueillera dans les années 2020, une « coulée verte », contrepoint au futur complexe cinématographique, permettant un déplacement pédestre du secteur dit des Bains jusqu’au pied du pont de la Corniche où siège déjà le bâtiment des activités de rivière (canoé-kayak…). Cet espace « Rive Gauche » est intégré au plan « Action cœur de Ville », au sud du centre historique, tout comme l’ancien espace dévolu autrefois aux rotondes de la SNCF, au nord du centre ancien.  La ville poursuit donc hardiment son adaptation au XXIe siècle, « ardente obligation », mais demeure la préoccupation de la création d’emplois industriels innovants plus que de service .

Cette perspective est plus nettement liée à l’action du Grand Dole, acteur désormais de l’animation des structures économiques et de communication. L’observation de ce grand pays dolois, dans le cadre de l’élaboration du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) et dans le cadre de la contribution apportée au SRADDET, document d’urbanisme porté par la Région, a conduit à mettre en évidence, rappeler et définir des potentialités : le Grand Dole est un pôle central au cœur de la nouvelle région, pouvant s’appuyer sur des réalités industrielles appelées à évoluer (pôle agroalimentaire, pôle des spécialités orientées vers la chimie avec Solvay-Inovyn, les micromécaniques, proche de la plasturgie, de nouvelles filières comme l’hydrogène…), et sur des capacités logistiques (réseau ferroviaire, routes et autoroutes, aéroport en capacité). Il entend être un Territoire de projets (parc Innovia, zones multi-sites Aéropôle) en s’insérant plus fortement dans un environnement favorable (proximités technologiques et universitaires, dessertes de transport). C’est le second axe de la stratégie territoriale, en totale complémentarité avec le premier axe précité : affirmer le territoire par son positionnement central et son haut niveau de services entre les deux villes majeures de la Région, en soutenant une dynamique de développement spécifique du territoire du Grand Dole appuyée notamment sur l’économie et les mobilités dans un environnement de qualité.

CONCLUSION

A l’orée des années 20 du XXIe siècle, Dole est en effet à un tournant de son destin, ce que pensent les porteurs de projets, les décideurs politiques en particulier.

            Située dès ses origines à un carrefour de routes dans le secteur aval de la vallée du Doubs, point de contact entre la Bourgogne et la Franche-Comté, elle a pu construire une notoriété en devenant fortuitement, surtout au temps des grands ducs bourguignons, une capitale provinciale du fait de l’éclipse de Besançon, ville d’Empire, en exerçant des fonctions administratives et intellectuelles ; cette situation s’est perpétuée et affirmée au temps des Habsbourg jusqu’à l’intégration de la Comté au royaume de France en 1678. Ce changement de destin territorial et politique ne fut pas un coup d’arrêt comme le montre le dynamisme démographique de la ville au XVIIIe siècle, sa transformation urbanistique et économique dans la seconde moitié du XIXe siècle lors de la révolution des transports qui renforça sa position de carrefour. Ville industrielle et ouvrière, dans un territoire à la fois rural et industriel (Solvay), elle devint progressivement, bien que sous-préfecture, la plus importante ville du département du Jura, ville moyenne en un point équidistant de deux capitales régionales. Sa centralité s’est renforcée par la constitution de la nouvelle région dont elle espère profiter.

A la tête d’une agglomération de près de 56000 habitants , le Grand Dole, elle entend profiter de ses atouts en s’appuyant sur sa tradition artisanale et industrielle tout en intégrant de nouvelles technologies et activités, en valorisant sa position sur les axes et moyens de communication – y compris l’aéroport de Dole-Tavaux – en tirant parti de la richesse de son environnement naturel (activités de rivière entre Doubs et Loue, forêt de Chaux, proximité du massif jurassien), de son patrimoine architectural (Site Patrimonial Remarquable, Ville d’Art et d’Histoire)[26], en multipliant les activités culturelles et festives (Cirques et fanfares, Journées gastronomiques du Chat gourmand, Pupitres en liberté, concerts de la Maîtrise…). Plus accueillante, se voulant séductrice, Dole cherche à attirer le visiteur, le curieux peu pressé, en valorisant le paysage urbain ; ce peut être un facteur positif pour de nouvelles entreprises (site Innovia) et leur personnel venu d’ailleurs, moyens susceptibles de fixer une nouvelle population. Cela passe aussi par une action concertée entre le centre et la périphérie de la nouvelle agglomération, voire le val de Saône avec le pôle d’Auxonne, et au-delà, les pays du Vignoble avec Salins (thermalisme), Arbois (vignoble, gastronomie), Poligny (ENIL, patrimoine bâti).

[1]. Françoise MAILLOT, avec la complicité de Marie-Claude MARCHAL, «  La ville théâtre de l’œuvre littéraire : Dole et Marcel Aymé », Regards sur le villes et bourgs de Franche-Comté, du cœur historique aux quartiers périphériques, Dole, Cahiers dolois 18, 2006, pp. 313-330. Egalement, Jacques GEOFFROY et Pierre-Jean TOGNI, Promenades littéraires avec Marcel Aymé. De Dole à Villers-Robert, Dole, Éditions de La Passerelle, 2022.

[2]. Jacky THEUROT, préface et contribution à H.BERTAND, Dole au fil des saisons et des rencontres, Dole, LIG, 2015 (photographies). Voir à ce sujet les toiles et sanguines de Roland Gaubert, les aquarelles de Pierre Duc, les dessins de Pierre Vernier, les gravures de Dominique Sosolic pour ne citer que des artistes de la période d’après 1945.

[3]. Jacky THEUROT et Henri BERTAND, Dole atmosphères, Dole, Jura imprim’, 2002, (ouvrage illustré de 160 clichés).

[4]. Jacky THEUROT , Dole genèse d’une capitale provinciale, des origines à la fin du XVe siècle, Dole, Cahiers dolois n°15, 1998, 2 volumes (Thèse de 3e cycle et Doctorat d’Etat ès Lettres sous la direction du doyen Jean RICHARD, professeur émérite à l’Université de Bourgogne, membre de l’Institut). Egalement, Jacky THEUROT et  Annie GAY, Histoire de Dole, Toulouse, Privat, col° Histoire des villes de France,  2003.

[5]. Jacky THEUROT, « De la campagne aux villes : la formation du second réseau urbain dans le comté de Bourgogne, des origines au XVe siècle », L’urbanisation. De la campagne aux villes, l’urbanisation du Moyen-Âge au XXIe siècle (colloque Académies de l’Est, Besançon, 1er avril 2017), Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Besançon et de Franche-Comté, Procès verbaux et Mémoires, vol.204, années 2017-2018, Besançon, 2019, pp 376-406.

[6]. Jacky THEUROT, « Dole un bourg castral en terre comtale : origine et évolution (XIe-1274) », Les peuplements castraux dans les Pays de l’Entre-Deux (Alsace, Bourgogne, Champagne, Franche-Comté, Lorraine, Luxembourg, Rhénanie-Palatinat-Sarre), colloque 1992, dir° M.Bur, Nancy, PUN, 1993, pp. 47-74.

[7]. Jacky THEUROT, «Les villes du comté de Bourgogne au Moyen-âge : bilan et perspectives »,  La civilisation urbaine en Bourgogne, Annales de Bourgogne, tome 71, fasc.1 et 2, 1999, pp. 29-48, et « Développement urbain et franchises municipales. L’exemple de quelques villes comtoises (1249-1337) », Belfort 1307 : l’éveil de la liberté, colloque octobre 2006,  Belfort 2007, pp. 61-83.

[8]. Jacky THEUROT, «  Les populations juives du comté de Bourgogne du XIIIe siècle au début du XVe siècle », dans Mémoires de la Société d’Emulation du Doubs, Nouvelle série n°50, 2008, Besançon, 2008, pp. 27-59. Jacky THEUROT et Sylvie BEPOIX, « Lombards et autres Italiens dans le comté de Bourgogne du XIIIe au XVIe siècle », dans Bourguignons en Italie, Italiens dans les pays bourguignons, publications du Centre Européen d’Etudes Bourguignonnes, colloque Rome (septembre 2008), 2009, pp. 159-203. 

[9]. Jacky THEUROT, Au temps de Madame Mahaut, comtesse d’Artois, de Bourgogne palatine et dame de Salins (1285-1329). Aspects de la vie comtoise. Besançon, Cêtre, 2012.

[10].  Jacky THEUROT, « Un grand chantier urbain: la construction des édifices du parlement à Dole (1420-1422) », La ville médiévale en deçà et au-delà de ses murs, Mélanges Jean-Pierre Leguay, Rouen, Publications de l’Université de Rouen, 2000, pp. 329-360.

[11]. J.THEUROT, « Les Mendiants et les villes dans le comté de Bourgogne (XIIIe-XVe siècles) : de l’implantation à l’influence spirituelle » dans L’Eglise et la vie religieuse, des pays bourguignons à l’ancien royaume d’Arles (XIVe-XVe siècle), colloque du Centre européen d’études bourguignonnes, Avignon (17-20 septembre 2009), Neuchâtel, 2010, pp. 165-191 ; « Le couvent des Cordeliers de Dole, pôle et fer de lance de la réforme colettine », Sainte-Colette et sa postérité, préface André Vauchez (colloque Clarisses, Poligny 17-19 septembre 2015), Paris, Editions franciscaines, 2016, pp. 57-93.

[12]. Jacky THEUROT, « Le périple bourguignon de Pierre Mettlinger » et « Le livre persécuté au XVIe siècle », Le livre en Franche-Comté, préface Henri-Jean MARTIN, avec le concours du Centre National des Lettres, Dole, Editions de la Nouvelle Revue Franc-comtoise, 1984, pp. 31-43 et 67-74.

[13]. Jacky THEUROT, Bénédicte GAULARD, Jean-Pierre JACQUEMART, Henri BERTAND, Notre-Dame de Dole: l’épopée d’un édifice inspiré. Notes, bibliographie, chronologie. Dole, DMO/DMO, 2009.

[14]. Bénédicte GAULARD, Création artistique et réforme catholique en Franche-Comté (1571-1654), thèse de doctorat d’histoire de l’art, Université de Bourgogne, Dijon, 1998 (non éditée).

[15]. Benoît DESBOIS, Les fortifications de Dole avant le siège de 1636, Vy-lès-Filain, Editions Franche-Bourgogne, 2019.

[16]. Jean-Pierre JACQUEMART, Architectures comtoises de la Renaissance (1525-1636), Besançon, PUFC, Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté n°809, série architecture n°4, 2007, et Hugues Sambin, architecteur (1518 ? -1601), Dole, Editions de la Passerelle, 2019.

[17]. Jean Boyvin, Le siège de la ville de Dole, édition présentée et annotée par Bénédicte GAULARD, Jacques GEOFFROY et Yves MOUGIN, Dole, Les Editions de la Passerelle, 2018.

[18]. Mémorial du Tricentenaire de la réunion de la Franche-Comté à la France (1678-1978), Recueil des Actes et Mémoires du colloque de Dole (16 septembre 1978), Besançon, Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon et de Franche-Comté/ Institut d’Etudes comtoises et jurassiennes/Sociétés savantes de Franche-Comté, 1979.

[19]. Annie GAY, Pouvoir et argent, les notables dolois au temps de Stendhal, Lons-le-Saunier, Editions Marque-Maillard, 1988  et « Dole de l’empire à la Belle Epoque (1800-1914) », Histoire de Dole, Dole, Horvath, 1982.

[20]. Jacky THEUROT, dir°, Autour de Louis Pasteur, Dole, Cahiers dolois n°11, 1995 et Une mémoire doloise, sur les pas de Julien, Yens, Cabédita, 2008.

[21]. Patrice DUCORDEAUX, Marcel ROBIN, Jacques TETU, Yvon AMIOT, Solvay Tavaux, une usine et des hommes,  DMODMO, 2005, et  Jacques TETU, Les fondeurs de l’histoire en pays dolois, Dole, DMODMO, 2006.

[22]. Jean-Pierre JACQUEMART, « La Z.U.P. de Dole », Regards sur le villes et bourgs de Franche-Comté, du cœur historique aux quartiers périphériques, Dole, , Cahiers dolois 18, pp. 401-420 (la Z.U.P.).

[23]. Annie GAY, Alain CHESTIER, Jacques GEOFFROY, Il était une fois Nodier…, Dole, DMODMO, 2008 (en particulier Annie GAY pp. 11-49).

[24]. Jacky THEUROT, « L’exemple du cœur historique de Dole, d’hier à aujourd’hui. Témoignages et pratiques », Regards sur le villes et bourgs de Franche-Comté, du cœur historique aux quartiers périphériques, Dole, Cahiers dolois 18, 2006, pp. 435-467 (en particulier pp. 459-467).

[25]. Pierre CHEVASSU, «  Politique d’aménagement et transformation de l’espace urbain : Dole au début du XXIe siècle », Regards sur les villes et bourgs de Franche-Comté, du cœur historique aux quartiers périphériques, Dole, Cahiers dolois 18, 2006, pp. 421-434. Merci à Pierre Chevassu pour sa contribution et au Service de l’urbanisme de la ville de Dole pour m’avoir fourni les dossiers de réflexion relatifs à la prospective des 15 prochaines années.

[26]. J.THEUROT, Entre Bourgogne et Comté, Dole et le pays dolois, sur les itinéraires de la nature, de l’histoire et du patrimoine, Dole, LIG, 2017 ( riche illustration, index, bibliographie).