Exposition Georges BASELITZ
du 20/10/2021 au 16/03/2022
Véronique RICHARD
Membre titulaire de l’Académie de Mâcon
Docteur en Histoire de l’Art,
Auteur et conférencière
La retrospective consacrée à Georges Baselitz, né en 1938, est la première exposition exhaustive qui permet de parcourir les six décennies de création du peintre allemand dont l’originalité et la force l’ont amené à s’inscrire parmi les figures majeures de l’histoire de l’art contemporain. Nous découvrons sa production selon un parcours chronologique qui met en valeur les périodes les plus représentatives de son propos plastique. Nous sommes évidemment marqués par les oeuvres fortement expressives, comme Homme nu, une allégorie de la guerre, des deux premières salles, imprégnées du climat de violence, de destruction, qui règne après 1945 en République Démocratique Allemande, pays que Baselitz quitta en 1956 pour entrer à l’Ecole des Beaux Arts de Berlin Ouest.
En parcourant les autres salles, tout l’univers de l’artiste se déroule, tantôt figuratif, puis abstrait, empruntant au graph art, pour délivrer un message d’une portée tant artistique que philosophique et politique. Ses grands formats nous offrent une approche physique et sensible de l’oeuvre, une immersion puissante dans les formes et les couleurs. Baselitz nous montre qu’il veut exhumer des images du passé à travers des formes établies au fil de l’histoire de l’art, ainsi que des formalismes dictés et véhiculés au sein des différents régimes politiques du 20eme. Baselitz expérimente aussi la sculpture sur bois de façon primitive, toujours dans un esprit non conformiste, celui de Munch, Artaud, Lautréamont, ou des artistes atteints de déviance mentale, pour aller au-delà des limites de la raison :
« Le plus important pour moi, c’était de sentir dans tout ça cette idée de l’avant garde, de la destruction des tableaux du passé ». Georges Baselitz
Son recueil le Pèse-nerfs traite de l’abîme, de la douleur de l’être au monde. Le tableau manifeste Les grands amis, peint en 1965, exprime cette tragédie ou encore la série des Héros peinte en 1969, présentant la laideur de corps meurtris. Après le cycle des tableaux fracturés, aux figures discontinues apparaissent les peintures aux motifs renversés, qui lui vaudront la consécration en 1975. La palette de couleurs franche, très contrastée, sur des images produites en séries, les jeux de densité de matière, parfois si épaisse et diluée qu’elle provoque des coulures, les aplats successifs, attestent d’une peinture autonome.
Les oeuvres des années 80 sont considérées comme les plus emblématiques, car les figures ont un aspect écorché, brut, qui va de pair avec la nudité spirituelle recherchée par l’artiste. Baselitz s’engage dans une dyshamonie générant une vibration visuelle, une énergie pure, qui s’exprime dans des associations libres d’éléments autobiographiques. Ses œuvres, complexes, loin des académismes, dans la tradition expressionniste, nous parlent de notre condition humaine, elles ne nous ont certes pas laissés indifférents. Les commissaires d’exposition Pamela Sticht et Bernard Blistène, ont réussi grâce à un accrochage exhaustif, à nous faire saisir le sens des peintures de Baselitz, provocatrices, car nourries d’une humanité en déliquescence exprimée avec des moyens très novateurs.