Exposition Goya

Fondation Beyeler - du 10/10/2021 au 23/01/2022

Véronique RICHARD

Membre titulaire de l’Académie de Mâcon
Docteur en Histoire de l’Art,
Auteur et conférencière

La Fondation Bayeler de Bâle a organisé une importante exposition, plus de 170 oeuvres, consacrée à Francisco de Goya (1746-1828) l’un des derniers grands peintres de cour, hors d’Espagne. L’artiste débute sa carrière en pleine période baroque, puis brille dans le classicisme, enfin, se tourne vers le romantisme. Parmi les douze chefs d’oeuvres rarement exposés, figure le portrait de la Duchesse d’Albe, de 1795, imposant de grâce mais d’une grande sobriété. Il nous a séduit par la symphonie des tons noir, ocre, terre grise et brune. Nous avons aussi été fascinés par la célèbre Maja vestida, de 1800, véritable icône de l’histoire de l’art, qui obtint autant de succès que la Maja desnuda, ainsi que par les Majas  au balcon, Maja et Celestine au balcon, qui inspira plus tard le Français Edouard Manet.

L’oeuvre de Goya reflète aussi les drames de l’histoire, avec la série de gravures intitulée Désastres de la guerre, de 1808, une chronique de la guerre napoléonienne. Le fameux Tres de mayo est absent, où des résistants sont fusillés, mais ces scènes, d’une grande force expressive nous montrent l’atrocité de la guerre. A Bâle, de nombreuses facettes de l’artiste nous sont dévoilées, notamment des scènes proches des Peintures noires, dont les personnages aux visages grimaçants, déformés, s’engluent dans un magma sombre.

« Dans la nature, la couleur n’existe pas plus que la ligne : il n’y a que le soleil et les ombres. Donnez-moi un morceau de charbon et je vous ferai un tableau : toute la peinture est dans les sacrifices et les partis pris ! » Goya

Le pire d’un monde où l’homme côtoie l’horreur, la folie, la mort, comme dans Les Pestiférés, La maison des fous, le Sabat des sorcières, Le pantin, nous est révélé avec virtuosité, un monde inquiétant que Goya semble vouloir exorciser, loin de la cour et des Lumières. Il nous parle de l’Inquisition, de la torture, des exécutions, de tous les maux qui déchirent l’Espagne. Cet ardent défenseur du peuple qui endure la souffrance, exprime la désespérance qui le touche lui-même alors qu’il devient sourd et doit quitter Madrid. Puisant dans son monde intérieur, ambivalent, il crée une œuvre rebelle moderne, nourrie d’obsessions morbides, peuplée des monstres les plus horribles, qui semblent pourtant pénétrés d’une humanité dont le caractère insondable nous questionne et nous déroute.

La Fondation Beyeler de Bâle, conçue par Renzo Piano, ouvrant sur un grand parc animé de belles sculptures, nous offre un cadre admirable pour découvrir l’oeuvre du peintre castillan, dont le propos nous plonge dans une méditation sur notre propre époque :

“Quand le monde va bien, dit Samuel Keller, le directeur de la Fondation Bayeler, les artistes regardent Velazquez. Quand il va mal, il regardent Goya »