LAMARTINE, HOMME POLITIQUE

Guy Fossat, Académie de Mâcon

Une large partie du texte qui suit a été présentée à Mâcon, le 28 juillet 2015,

à l’Université d’été du Parlement Européen, accueillie par la Mairie de Mâcon

Alphonse de Lamartine (1890-1869) a exercé des mandats publics de 1833 à 1851 : il a été député (de Mâcon, la plupart du temps), ou ‘‘Représentant du peuple’’, en 1848; plusieurs fois conseiller général, et président du Conseil général de Saône-et-Loire (entre 1833 et 1851); Ministre des affaires étrangères de la Deuxième république (en 1848). Et même conseiller municipal à la mairie de Mâcon !

Il expose sa pensée politique, ses vues, son rôle politique, son expérience vécue de la vie politique, tout particulièrement dans : Sur la politique rationnelle (1831), Trois mois au pouvoir (1848), Histoire de la Révolutions de 1848 (1852), Mémoires politiques (1862).

 Les illustrations-par ses textes-qui suivent montent en particulier l’articulation qu’il établit entre période révolutionnaire et instauration de la république.

Sur la politique rationnelle 

(Publié en 1831, réédité à la fin du tome 37des Œuvres complètes de 1863)

Lamartine fait connaitre sa pensée politique de manière globale, à l’âge de quarante ans, dans un texte de 1831 : « Sur la politique rationnelle » (daté du 25 septembre 1831, à Saint-Point). Ce texte bref, convaincu- voire mystique– balayant le passé, le présent et l’avenir, constitue sa réponse au rédacteur de la « Revue européenne », (dont le siège est à La Haye), qui le sollicitait pour collaborer à cette revue.

Il retrace, tout d’abord, le déroulement de l’histoire de l’humanité, la divise en plusieurs époques pour s’attacher à celle qui va débuter. P.362 : « Nous touchons  à l’époque du droit et de l’action pour tous, époque toujours ascendante, la plus juste, la plus morale, la plus libre de toutes celles que le monde a parcouru jusqu’ici, parce qu’elle tend à élever l’humanité tout entière à la même dignité morale, à consacrer l’égalité politique et civile de tous les hommes devant l’Etat, comme le Christ avait consacré leur égalité naturelle devant Dieu. Cette époque pourra s’appeler l’époque évangélique.»

Pendant les années 1820, Lamartine avait été au service de la Restauration [1814-1830, rois Louis XVIII puis Charles X] comme attaché d’ambassade, puis secrétaire de légation, en divers postes en Italie. Il y avait beaucoup appris sur les « relations internationales », et en particulier sur les rivalités européennes, dont les ambitions de l’Autriche en Italie, et sur les aspirations à l’indépendance des diverses ‘’nationalités’’.

Il se qualifie, à l’époque de la Restauration, de « royaliste d’esprit et de cœur » (p. 365) ou de « royaliste constitutionnel » (p. 369). Il ne montre pas, alors, des sympathies républicaines ; mais quelques réformes, dont il souligne déjà la nécessité, s’inscrivent cependant dans une telle  pensée politique. Citons, sans les développer, quelques indices de ce républicanisme naissant,  exprimés par Lamartine dans « Sur la politique rationnelle » :

-l’inefficacité du « pouvoir aristocratique héréditaire» (p.371) ;

-l’indispensable liberté de la presse (p.372) ; 

-« l’enseignement libre et large, gratuit surtout pour les pauvres » (p.372) ; la séparation de l’Eglise et de l’Etat (p.373) ;

-l’instauration de « l’élection universelle », expression  traduite de nos jours par ‘’suffrage universel’’ (p.373) ;

-et, enfin la réforme de la « législation criminelle », autrement dit la suppression de la peine de mort en matière politique : «  Une législation sanglante ensanglante les mœurs; une législation douce les tempère et les adoucit. La peur n’est pas une vertu. La législation chrétienne veut des vertus, et laisser la terreur au crime […] » (p.378).

A plusieurs reprises, il fait allusion à son propre destin politique, au service éventuel du nouveau roi  [Louis Philippe, qui prête serment sur la Charte, le 9 aout 1830, instaurant « La monarchie de Juillet »], « dans le cas où le prince réclamerait de nous, au nom du pays, un service qu’aucun autre ne pourrait lui rendre aussi bien que nous. » (p.369). Cette occasion ne se présentera pas. Bien au contraire, Lamartine se rangera, en février 1848, parmi ceux qui poussent à l’abdication et à l’exil de ce roi.

 Trois mois au pouvoir 

(Publié fin 1848)

Contexte : Révolution de 1848-Gouvernement provisoire du 24 février au 9 mai 1848. Lamartine en est ministre des affaires étrangères ; puis, du 9 mai au 28 juin, le gouvernement prend le nom Commission exécutive de la République française. Lamartine en est ministre. Il siège dans l’Assemblée Constituante qui se réunit du 6 mai 1848 au 26 mai 1849 ; elle rédige la Constitutions de la Deuxième République.

Dans sa « Lettre aux dix départements » qui l’ont élu comme Représentant du peule, le 24 avril 1848 (lettre datée du 25 aout 1848), Lamartine répond à plusieurs critiques que lui adressent ses adversaires politiques. A cette époque, on parle de « partis », mais aussi de « clubs ». Ce sont des organisations légales, disposant du droit de réunion, de journaux, de chefs. Mais il laisse entendre que sont aussi à l’œuvre, des agissements occultes de « sectes ».

Il est témoin direct de l’écho que trouve en Europe cette révolution française de 1848, auprès des « démocrates » :

P 15– Les démocrates polonais

Contexte : 11 avril 1848 : « Désireux de gagner du temps, le gouvernement prussien fait mine de rechercher une solution pacifique, promet l’autonomie du grand-duché de Poznan et négocie avec « la vermine polonaise » l’accord de Jaroslawiec par lequel les Polonais acceptent de renvoyer dans leurs foyers les 15000 combattants qui se sont mobilisés pour la cause de l’indépendance. »(Wikipédia)

« C’est dans la même semaine [15 mai 1848] qu’eut lieu la première tentative des démocrates polonais. Abusant de la généreuse passion de la France pour une cause que la France a toujours réservée dans son cœur, quelques-uns d’entre eux avaient résolu d’imposer au Gouvernement provisoire l’heure de la Pologne au lieu de l’heure de la France, et de se faire, de la faveur publique un droit à la sédition. Ils vinrent la nuit au ministère des affaires étrangères.

«Si demain matin, me dit un de leurs orateurs, le Gouvernement n’a pas proclamé la guerre pour la Pologne, demain, à deux heures, nous renverserons le Gouvernement à la tête de soixante mille ouvriers que nous avons soulevés et que nous dirigerons contre l’hôtel de ville. »

-« Si la France, lui répondis-je, souffrait que son Gouvernent fût renversé par une sédition d’étrangers auxquels elle donne l’hospitalité, mais non l’empire, il faudrait que la France fût descendue au-dessous des nations sans patries ! ». Les hommes sensés et modérés de ce noble pays, ramenés par ces paroles, désavouèrent leur orateur. Ils vinrent le lendemain à l’hôtel de ville sans cortège séditieux. 

P 16 –Les Irlandais

John Mitchel prônait ouvertement l’insurrection dans son journal The United Irishman. Il est arrêté en mars 1848, condamné à 14 ans de et déportation  en Tasmanie.

« Il en fut de même des Irlandais ; Ils vinrent, au nom du principe démocratique, me demander des encouragements et des armes pour la guerre civile. Je leur dis que la guerre civile lancée chez nos voisins ne serait jamais une arme de la République. Je leur rappelai les secours d’armes et d’argent donnés par le gouvernement britannique à la guerre héroïque mais funeste de la Vendée, mode d’intervention que la France n’imiterait jamais.»

P 66 –Lettre aux ambassadeurs des puissances étrangères [Intégralité]-27 février 1848

« Monsieur l’Ambassadeur,

J’ai l’honneur de vous informer que le Gouvernement provisoire de la République française m’a confié le portefeuille des affaires étrangères.

La forme républicaine du nouveau gouvernement n’a changé ni la place de la France en Europe, ni ses dispositions loyales et sincères à maintenir ses rapports de bonne harmonie avec les puissances qui voudront, comme elle, l’indépendance des nations et la paix du monde.

Ce sera un bonheur pour moi de concourir par tous les moyens en mon pouvoir, à cet accord des peuples dans leur dignité réciproque, et de rappeler à l’Europe que le principe de paix et le principe de liberté sont nés le même jour en France. »

P 69-Manifeste aux puissances. Circulaire du ministre des affaires étrangères aux agents diplomatiques de la République Française.

Dans cette circulaire de onze pages, Lamartine s’emploie à expliquer quels sont les principes de la République qu’il vient de proclamer, et en quoi elle est animée par des intentions pacifiques et libératrices.

P 694 mars 1848- « La proclamation de la République française n’est un acte d’agression contre aucune forme de gouvernement dans le monde. Les formes de gouvernement ont des diversités aussi légitimes que les diversités de caractère, de situations géographiques et de développement intellectuels, moral et matériel chez les peuples. Les nations ont, comme les individus, des âges différents. Les principes qui les régissent ont des phases successives […] Question de temps. Un peuple se perd en devançant l’heure de cette maturité, comme il les déshonore en la laissant échapper sans la saisir. La Monarchie et la République ne sont pas, aux yeux des véritables hommes d’Etat, des principes absolus qui se combattent à mort ; ce sont des faits qui se contrastent et qui peuvent vivre face à face, en se comprenant et en se respectant.»

P 74-« La guerre n’est donc pas le principe de la République française, comme elle en devint la fatale et glorieuse nécessité en 1792. Entre 1792 et 1848, il y a un demi-siècle. » […]

« Ne vous y trompez pas, néanmoins ; ces idées que le Gouvernement provisoire vous charge de présenter aux puissances comme gage de sécurité européennes, n’ont pas pour objet de faire pardonner à la République l’audace qu’elle a eue de naître. » […]

« La République française n’intentera donc la guerre à personne. Elle n’a pas besoin de dire qu’elle l’acceptera, si on pose les conditions de guerre au peuple français. »

P75- « Les traités de 1815 n’existent plus en droit aux yeux de la République française ; toutefois, les circonstances territoriales de ces traités sont un fait qu’elle admet comme base et comme point de départ dans ses rapports avec les autres nations ».

« Mais, si les traités de 1815 n’existent plus que comme fait à modifier d’un accord commun, et si la République déclare hautement qu’elle a pour droit et pour mission d’arriver régulièrement et pacifiquement à ces modifications, le bon sens, la modération, la conscience, la prudence de la République, existent, et sont pour l’Europe une meilleur et plus honorable garantie que les lettres de ces traités si souvent violés ou modifiés par elle. »

P 76-« Ainsi, nous le disons hautement, si l’heure de la reconstructions de quelques nationalités opprimées en Europe, ou ailleurs, nous paraissaient avoir sonné dans les décrets de la Providence ; si le Suisse, notre fidèle alliée depuis François Ier, était contrainte ou menacée dans le mouvement de croissance qu’elle opère chez elle pour prêter une force de plus au faisceau des gouvernements démocratiques ; si les Etats indépendants de l’Italie étaient envahis ; si l’on imposait des limites ou des obstacles à leurs transformations intérieures ; si on leur contestait  à main armée le droit de s’allier entre eux pour consolider une patrie italienne, la République française se croirait en droit d’armer elle-même pour protéger ces mouvements légitimes de croissance et de nationalité des peuples. »

P 78- Ce Manifeste aux puissances  se  termine par la référence à la devise de la République :

Contexte-« Cette triple devise apparaît pendant la Révolution française et dans la révolte des esclaves d’Haïti. Elle fut d’abord une formule parmi d’autres, utilisée durant la période révolutionnaire sous la forme : Liberté, Égalité, Fraternité ou la Mort. Elle est adoptée officiellement en France une première fois en 1848 par la Deuxième République, et depuis 1879 par la Troisième République lors de la révision constitutionnelle. »(Wikipédia)

[…] « La République a prononcé en naissant, et au milieu de la chaleur d’une lutte non provoquée par le peuple, trois mots qui ont révélé son âme et qui appelleront sur son berceau les bénédictions de Dieu et des hommes : Liberté, Egalité, Fraternité. Elle a donné, le lendemain, par l ‘abolitions de la peine de mort en matière politique, le véritable commentaire de ces trois mots au-dedans ; donnez-leur aussi leur véritable commentaire au dehors. »

[…] « Le sens de ces trois mots appliqués à nos relations extérieurs est celui-ci : affranchissement de la France des chaines qui pesaient sur son principe et sur sa dignité ; récupération du rang qu’elle doit occuper au niveau des grandes puissances européennes ; enfin, déclaration d’alliance et d’amitié à tous les peuples. Si la France a la conscience  de sa part de mission libérale et civilisatrice dans le siècle, il n’y a pas un de ces trois mots qui signifie guerre. Si l’Europe est prudente et juste, il n’y a pas un de ces mots qui ne signifie paix. »

 

 Histoire de la Révolution de 1848 

(Publié en 1852, en deux tomes. Tome premier, p 303-Les diverses forces en présence)

[…] « Pour bien comprendre ce récit, il faut décomposer avec précision et avec justice les trois partis qui avaient fait la révolution, et qui, la révolution une fois accomplie par la fuite du roi, s’étaient entendus pour proclamer ou pour adopter la république.

Ces trois partis étaient le parti libéral et national d’abord, composé de tous les amis de la liberté et du progrès des institutions pris dans toutes les classes de la population.

Le parti socialiste ensuite, composé des partisans  confondus alors en une seule armée, des différentes sectes, écoles, ou systèmes qui tendaient à une rénovation plus ou moins radicale de la société par une distribution nouvelle des conditions du travail ou des bases de la propriété.

Précisions données par Lamartine-[p 305 : Ecole de Louis Blanc,  « sorte de communisme industriel et mobilier qui ne dépossédait ni le propriétaire du sol, ni le propriétaire de capital, mais qui en les dépossédant de leur liberté les anéantissait réellement dans leur action et équivalait à une confiscation de tout capital puisqu’il était la confiscation de tout intérêt […] » ; p 307 : école du Saint-Simonisme, «mort[e] dans les premières années de la révolution de Juillet », puis celle du fouriérisme, née des ruines du Saint-Simonisme : « Elle ne se présentait point comme une subversion de la société existante, mais comme une grande expérimentation d’une société régénérée […] » ; p 308, enfin des « sectes secondaires et partielles qui se divisaient sur l’application pratique de la doctrine commune de l’expropriation de l’homme individuel en société.» : Cabet « sorte de Babeuf posthume, mais humain » ; p 309, Pierre Leroux, éclairé d’un rayon de christianisme » ; Proudhon « qui se délectait dans les décombres du présent et dans le chaos de l’avenir.» […] « Les autres enfin, véritables barbares de la civilisation, n’avaient ni doctrine, ni foi, ni religion sociale, ni maitres, ni illusions, ni sectes. Ils avaient faim et soif de bouleversement. »]

[…] « Le parti révolutionnaire enfin, composé de ceux pour qui les révolutions sont à elles –mêmes leur propre but ; hommes insoucieux de tout amour philosophique du progrès, indifférents aux rêves d’amélioration radicale, se précipitant dans les révolutions par leurs vertiges […] Ces révolutionnaires sans foi, sans idées, mais pleins de passions et de tumultes en eux-mêmes, veulent des convulsions à leur image […] ».

Tome second, p 253. Contrecoups à l’étranger

[…] « Le plus inattendu se fit sentir à Vienne le 14 mars. Le prince  de Metternich, dont le gouvernement n’était plus depuis longtemps qu’une adulation complaisante aux volontés de la noblesse et aux superstitions de trois femmes entourant un empereur éternellement enfant, fut surpris par l’évènement. L’émeute imprévue et irrésistible emporta le sacerdoce, la cour, l’aristocratie, le gouvernement. La famille impériale abandonna Vienne à la révolution ; le prince abandonna la monarchie elle-même et se réfugia dans le Tyrol. Berlin répondit à Vienne le 18 mars. » […]

 « Au-delà des Alpes, la Lombardie sentie que l’heure de son émancipation sonnée  à Paris, répétée à Vienne le 14 mars, était venue. Milan, sa capitale, se souleva le 20 mars et chassa les Autrichiens loin de ses murs. »  [Etc. Parme, Modène ; Toscane ; Venise, Sicile, Rome ; Naples…]

Mémoires politiques

(Publié en 1863, en quatre tomes)

Dans les années 1860, Lamartine publie une dernière série de ses Œuvres complètes (41 volumes) dont 4 consacrés à ses Mémoires politiques. (Dans certains passages de ses Mémoires politiques, il parle de lui à la 3e personne du singulier « Lamartine put quitter l’hôtel de ville… »)

Tome 3, p 4- Voici comment il décrit la société française en février 1848 :

P 4-« Les classes riches, aisées, bourgeoises, propriétaires, industrielles, commerçantes, avaient justement tremblé que l’écroulement du trône et le nom de république ne fussent le signal de spoliations, des massacres, des échafauds, dont le souvenir s’était confondu depuis cinquante ans avec l’image des institutions républicaines. Ces classes s’étonnaient, jusqu’à l’attendrissement, de voir et d’entendre des programmes et des décrets qui répudiaient hautement toute analogie et toute parenté entre les deux républiques. » 

«  Le peuple propriétaire ou industriel, qui vit d’ordre, de crédit, d’échange, de travail, avait eu les mêmes craintes et partageait les mêmes sentiments. 

Les prolétaires, les ouvriers, les travailleurs, qui n’ont pour capital que leurs bras, pour revenu que leurs salaire, pour patrimoine social que leur moralité et leur économie, étaient fanatisés de reconnaissance et d’espérance pour une révolution qui les élevait au rang de citoyens. Ils proclamaient hautement le respect des propriétés, l’inviolabilité des capitaux, la libre appréciation des salaires entre le travailleur et le fabricant qui les proportionne  à son bénéfice. »

P 8-« Ce n’est que le sixième jour, dans la soirée, que Lamartine put quitter l’hôtel de ville pour aller prendre possession du ministères des affaires étrangères. »

P 13- « La république telle que l’entendait Lamartine, n’était point un bouleversement à tout hasard de la France et du monde. C’était un avènement révolutionnaire, accidentel, soudain dans sa forme, mais régulier dans son développement, de la démocratie ; un progrès dans les voies de la philosophie et de l’humanité ; une seconde et plus heureuse tentative d’un grand peuple pour se tirer de la tutelle des dynasties et pour apprendre à se gouverner lui -même. »

 

 

Les analyses politiques de Lamartine restent d’actualité

sur bien des points

 

On peut résumer ses convictions comme suit :

En France même :

La Révolution accouchera de la République. C’est le meilleur système pour remplacer la Monarchie.

-Les alliances politiques sont nécessaires, en période de révolution comme en période de paix.

Fondements de la démocratie : le parlementarisme, le suffrage universel, l’éducation du peuple.

-La République garantit la propriété ainsi que la liberté du travail (hostile à «l’organisation du travail » prônée par les socialistes, mais défend le « droit au travail ».Cf. complément en annexe)

-Elle vise la concorde des classes sociales ; la charité chrétienne aide à diminuer les inégalités.

-Elle garantit l’ordre (intérieur, frontières): importance de la police, de la garde nationale, de l’armée.

-Mais la  révolution de 1848 se limite à réaliser des réformes politiques et ne débouche pas sur des réformes sociales durables. (cf. Abolition de l’esclavage dans les colonies ; ateliers nationaux.)

Hors des frontières :

1848, Le ‘’Printemps des Peuples’’ en Europe. Nations, nationalités, démocrates, patriotes, dynasties, parlements, chartes, langues, territoires…. Après les espérances, la répression.

Intervenir ou non ? Pologne, Hongrie, etc.

Effet de contagion, contrecoups des événements de France. Mouvements de protestations, suivis par leur écrasement par les pouvoirs contestés. Que reste-t-il alors des espoirs manifestés?

L’espoir reporté à plus tard

En août 1849, présidant le Congrès international de la paix, Victor Hugo lance, prophétique : « Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure et vous constituerez la fraternité européenne » […]

« Messieurs, je le dis en terminant, et que cette pensée nous encourage, ce n’est pas d’aujourd’hui que le genre humain est en marche dans cette voie providentielle. Dans notre vieille Europe, l’Angleterre a fait le premier pas, et par son exemple séculaire elle a dit aux peuples : Vous êtes libres. La France a fait le second pas, et elle a dit aux peuples : Vous êtes souverains. Maintenant faisons le troisième pas, et tous ensemble, France, Angleterre, Belgique, Allemagne, Italie, Europe, Amérique, disons aux peuples : Vous êtes frères ! (Immense acclamation. – L’orateur se rassied au milieu des applaudissements.) »

Pour aller plus loin…

Outre les quatre ouvrages cités précédemment, et qui concentrent à la fois sa pensée politique et la mise en action de ses conceptions en la matière, Lamartine a évoqué la même thématique, en particulier dans deux grandes séries d’écrits : ses discours à la Chambre en tant que député ; ses études d’histoire : Les Constituants (1852-1855) ; Histoire des Girondins (1847); Histoire de la Restauration (1856).

***

Brève annexe

Deux illustrations des engagements de Lamartine dans des choix de société. Discours du 23 avril 1835 à la Chambre sur l’abolition de l’esclavage ; puis, discours du 7 septembre 1848 sur le droit au travail. Extraits.

Sur l’abolition de l’esclavage

« Je sais, nous savons tous, une fatale expérience nous a trop appris que dans des discussions de cette nature, nous devons peser toutes nos paroles, et étouffer sous la prudence du langage, sous la réticence souvent la plus entière, cette chaleur même d’humanité qui, sans péril parmi nous, pourrait allumer l’incendie ailleurs. Nous ne devons pas oublier, nous n’oublierons pas que chaque parole inflammable prononcée ici, retentit non-seulement dans la conscience de nos collègues, dans l’inquiétude des colons, mais aussi dans l’oreille de trois cent mille esclaves, que ce que nous traitons froidement et sans danger à cette tribune, touche à la propriété, à la fortune, à la vie de nos compatriotes des colonies, que nous devons veiller avant tout à leur sûreté dont nous répondons devant Dieu et devant les hommes, et que nous ne devons éveiller dans les esclaves d’autres espérances que celles que nous pouvons satisfaire sans commotion pour les colonies, sans ruine pour les propriétés, sans trouble, sans agitation pour les esclaves. (…)

Les esclaves entendent parler tous les jours de l’émancipation de leurs frères dans les colonies anglaises; l’impatience de la liberté les remue, ils attendent, ils complotent, ils désertent en grand nombre; le gouvernement et les conseils coloniaux craignent avec raison cette contagion de la liberté qui se répand sur nos îles comme un fléau, et qui devrait s’y répandre comme un bienfait. (…)

Ah! Pensons-y, Messieurs ! Et faisons-y penser la loi ! Sollicitons l’effort du gouvernement et des chambres. Nous accusons sans cesse ici la stérilité de nos révolutions ! Eh bien, que nos révolutions profitent du moins à quelqu’un! Que le contrecoup de notre liberté se fasse sentir à nos esclaves ! Donnons au gouvernement tout ce qu’il nous demande à condition qu’il l’emploie à la restauration de la liberté et de la dignité de l’homme ! Il nous trouvera toujours complaisants à ce prix ! »

Sur le droit au travail (www.assemblee-nationale)

Ayant joué un rôle éminent dans la Révolution de février 1848 – il fut membre du gouvernement provisoire – Lamartine, député à l’Assemblée nationale élue les 23 et 24 avril 1848, intervient dans la discussion du projet de Constitution dont l’ambition est d’assurer à la France de “marcher plus librement dans la voie du progrès et de la civilisation”. Son préambule énonce les droits et devoirs nécessaires pour y parvenir. Parmi eux, le droit au travail. En toile de fond de la discussion, l’expérience des ateliers nationaux qui a inauguré l’action réformatrice du gouvernement provisoire et dont la suppression a provoqué les dramatiques journées révolutionnaires de juin.

 Le 7 septembre 1848, Lamartine, qui a démissionné de la Commission exécutive à laquelle l’Assemblée avait enjoint de liquider les ateliers nationaux, tente de conserver vie à l’élan de solidarité démocratique de février, et de faire adopter par l’Assemblée une disposition qui ne le brise pas.  

Le citoyen de Lamartine. « Je prie l’Assemblée de ne rien préjuger, et de ne pas se tromper à mes intentions en me voyant monter à cette tribune, à l’occasion de l’amendement de l’honorable M. Mathieu (de la Drôme). Je ne viens pas soutenir cet amendement, et je ne voterai pas pour son adoption. (Mouvement).

Je ne viens pas, vous le comprenez d’avance, élargir la distance entre la Commission et moi. (…)

Messieurs, je me reprocherais néanmoins, je me reprocherais cruellement, quelle que soit la douleur que j’éprouve, vous le comprenez tous, de venir combattre des paroles auxquelles j’ai si souvent intérieurement applaudi ; je me reprocherais de ne pas faire les derniers efforts pour concilier les deux parties de cette Assemblée, qui, je le sais, sentent dans une intention commune, pensent dans une intelligence unanime, et ne sont, au fond, divisées que par la force ou par l’insuffisance des expressions dans une telle rédaction. Je voudrais les amener comme j’ai été amené moi-même dès le commencement de cette discussion et dès le temps du Gouvernement provisoire ; je voudrais les ramener tout à la fois au sens pratique et au sens philosophique de la rédaction que nous devons adopter, c’est-à-dire à la vérité tout entière, à la vérité de cœur et à la vérité de la pratique. (…) La conformité de nos intentions populaires, au fond, me rassure sur le résultat ; nous voterons quelque chose d’aussi loin de la sécheresse de termes qu’on nous propose que des exagérations socialistes qui perdraient tout. (…)

Je demande à exposer en très peu de mots les faits tels qu’ils se sont passés. Il ne faut pas de calomnie sur l’intelligence, sur les intentions, sur les actes du Gouvernement qui, dans des circonstances aussi difficiles, a eu à manier tout seul des questions sous lesquelles vous semblez fléchir vous-mêmes, dans votre universalité et dans votre souveraineté nationale.

Non, il n’est pas vrai, comme on l’a semé dans le public, comme on l’a porté à cette tribune, que le Gouvernement provisoire, par je ne sais quel amour de popularité, qu’aurait excusé peut-être l’extrémité du moment, ou par un défaut d’intelligence, ou par des concessions qui accuseraient une véritable lâcheté parmi ses membres, ait favorisé ces utopies qu’on fait flotter sur cette discussion depuis qu’elle est ouverte ; il n’est pas vrai que le Gouvernement provisoire ait fanatisé le peuple avec ces promesses d’organisation impossible du travail, de travail fourni indéfiniment à toute nature de facultés de travailleurs.

Voici ce qui est vrai, messieurs : c’est que, le surlendemain de la Révolution de Février, au moment où le peuple venait de renverser un trône et d’élever la République, ce peuple encore ardent, justement fier de la victoire qu’il venait de remporter, dont il ne demandait pas alors à abuser, ce peuple vint devant le Gouvernement provisoire. Sans doute il y avait, dans la foule de ceux qui s’adressaient à nous, des hommes qui, par ignorance, par le fanatisme de sectes ou de doctrines, demandaient plus qu’il n’était possible d’accorder, plus qu’il n’est possible à l’humanité tout entière d’obtenir de ses efforts et de son intelligence : ils nous demandaient ceux-là l’organisation du travail.

Que leur répondîmes-nous, messieurs ? J’en atteste ici l’unanimité des membres de ce gouvernement ; nous lui répondîmes, d’une voix ferme et sensée, que ce qu’il nous demandait était impraticable, que jamais nous ne fanatiserions le peuple avec des prestiges d’idées qui ne contenaient aucune vérité, aucune réalité, qui ne contenaient que du vent et des tempêtes. Nous répondîmes, messieurs, qu’il y avait deux choses dans les demandes qui nous étaient adressées, une chose entièrement illusoire, imaginaire, chimérique, une ruine de tout le capital, un attentat à toute société et à la propriété ; c’était l’organisation du travail, telle que les orateurs qui nous sont opposés l’apportent constamment à cette tribune, et en combattent non pas la réalité, mais le fantôme.

Nous leur répondîmes, il est vrai, d’un autre côté, qu’il y avait dans l’humanité des droits sacrés, des droits imprescriptibles devant lesquels des législateurs humains, consciencieux, de toutes les dates, ne devaient pas reculer, que ces questions seraient examinées avec l’attention, avec la cordialité que méritaient ceux qui les apportaient au Gouvernement provisoire ; qu’au nombre de ces questions, messieurs, était le droit au travail. Mais quel droit au travail ? Je vais le dire ; c’est moi précisément qui ai eu l’honneur de le définir devant eux.

Il ne s’agissait pas de conférer, comme le disait tout à l’heure l’honorable M. Dufaure, à tout citoyen un titre impératif contre le gouvernement pour en obtenir la nature de salaire et de travail qui paraîtrait convenable à sa profession individuelle. Nous répondîmes que ce travail est impossible, qu’il absorberait en un an, en quinze mois, non seulement tout le revenu, mais le capital de la nation ; que jamais le gouvernement ne signerait une pareille folie ; que nous entendions par droit au travail ce que nous écrivîmes (car on parle souvent de cet acte du Gouvernement provisoire, eh bien, on me l’a rappelé, car j’en avais entièrement oublié les termes), ce que nous écrivîmes et ce que, sous une certaine forme, je me bornerai, en terminant, à vous prier d’écrire vous-mêmes, le voici : le droit pour tout individu vivant sur le territoire et sous l’empire des lois bienfaisantes de la République, de ne pas mourir de faim, non pas le droit à tout travail, mais le droit à l’existence, la garantie des moyens d’existence alimentaire par le travail fourni au travailleur, dans le cas de nécessité absolue, de chômage forcé, aux conditions déterminées par l’administration du pays, et dans la limite de ses forces ; et une série d’institutions de même nature, institutions dont vous avez jeté en trois mois, comme le rappelait tout à l’heure l’honorable M. Dufaure, les principales bases dans ces décrets plein de charité, plein de véritable popularité, que vous ne cessez d’étudier ou de promulguer tous les jours, de ces lois pour l’enseignement gratuit des enfants du peuple, pour fournir aux grandes industries, en cas de nécessité, des subventions et des secours, afin de ne pas laisser mourir de faim les ouvriers ; toutes les lois de secours pour les enfants trouvés, d’assistance pour les vieillards, pour les familles trop nombreuses.

C’est ainsi que devant ce peuple lui-même qui avait encore à la main les armes qui venaient de conquérir le principe républicain (Très bien !), oui, nous acceptâmes, nous signâmes et nous décrétâmes ainsi le droit au travail »(…)

***

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