Le "Miracle" de Cluny

Edward Steeves, Académie de Mâcon

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Abbaye de Cluny, Clocher de l’Eau bénite (image e-Pass.education)[/caption]

 

       Oui, il s’agit bien d’un « miracle » pour la petite villa gallo-romaine des débuts, simple domaine seigneurial à vocation agricole qui allait se métamorphoser en l’espace de deux siècles pour devenir le « Phare de l’Occident » sur le plan spirituel. Vraie merveille architecturale du monde médiéval, au même titre que le Mont-Saint-Michel, la Sainte-Chapelle, Notre-Dame de Paris, tous voués à la louange de Dieu, prodiges monumentaux sans comparaison alors dans toute l’Europe. Il faut dire qu’en ces temps-là, la Sainte Mère Église faisait l’objet des attentions les plus fastueuses. Marcel Proust a écrit ceci, Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux. (La Prisonnière, A la recherche du temps perdu). Voir avec d’autres yeux, c’est contempler, pour assimiler en nous des choses jusque-là inconnues ou mal perçues, en les rendant plus proches et plus présentes. Contempler, vocable ici chargé de sens, car lié à la notion de temple. Au-delà du Cluny qui s’offre à nos yeux aujourd’hui, n’y a-t-il pas une réalité plus profonde, une beauté en partie effacée mais qui défie le temps, à la manière dont on se souvient des livres d’images de notre enfance ? Le mot même de « miracle » ne signifie-t-il pas un prodige qui étonne, fascine, interroge ? Nos sens et notre imaginaire ont le pouvoir de transcender le visible et, ce faisant, saisir un éclat de lumière, capter un lointain écho. L’histoire de Cluny mérite une telle approche, une démarche de quête et de mémoire. Comment la ville, à ses débuts jusqu’à aujourd’hui, s’est construite autour de la grande abbaye, c’est le dessein de cet exposé, dans la thématique du colloque CNA.

 

         Je parlerai en premier de l’abbaye. C’est une naissance. Toute naissance est un miracle. Mais là, nous avons une surdouée. Tous les anges du ciel et, peut-être de la terre aussi, entourent le berceau. En ce lieu et à ce moment-là le ciel a touché la terre.    

 

       Domaine rural, la villa Cluniacensis avait appartenu à l’empereur Charlemagne qui en fit don à l’église cathédrale de Mâcon. Plus tard la propriété en échut à l’abbesse d’une communauté de moniales à Cluny, une dénommée Ève, d’illustre naissance. Il y avait là une chapelle placée sous la double protection de sainte Marie et de saint Pierre. A son tour, l’abbesse Ève légua ce domaine à son frère, le puissant duc Guillaume d’Aquitaine. Cette donation est relatée par la 53e charte de Cluny, datée de novembre 893. Sage décision familiale, pourrait-on dire, tant spirituelle que temporelle ! Il est précisé dans le texte, supra fluvium quae vocatur Grona sitam cum vineis, située au-dessus de la rivière qu’on appelle Grosne, avec des vignes. Les terres très boisées des alentours avaient comme première vocation de grandes parties de chasse organisées par le duc, entouré de ses amis et de ses vassaux. Terre Promise ? On peut le penser. Pour le moins un Jardin printanier à l’image de l’Éden primitif.

 

         Pourtant, seize années plus tard, un jour nouveau éclate au-dessus de la petite ville. Un matin clair et lumineux comme le premier matin du monde plein de promesses, un jardin silencieux qui attend le lever du jour. C’est au tour de Guillaume de faire don de ce site, dans un élan de foi et d’humilité. A Bernon, moine bénédictin de Baume dans le Jura, connu pour sa vie vertueuse, et ses douze compagnons. Pour les grands moments de l’histoire, on entre souvent par une petite porte. Cet acte fondateur est officialisé par la charte 112 datée du 11 septembre 910 (ou 909). Des vignes (réflexe bourguignon ?) font partie de l’inventaire détaillé des biens qui englobe des édifices profanes et religieux, ainsi que des serfs, hommes et femmes. Le texte stipule à l’endroit où sera bâti un monastère pour honorer les apôtres Pierre et Paul, désignés saints protecteurs de tout le patrimoine clunisien. L’aurore de cette fondation porte en elle non seulement un acte de naissance historique, mais aussi l’étincelle qui allumera le grand feu de son rayonnement. C’est un événement qui fait date, qui donne à la grande Histoire plus de consistance, plus d’épaisseur, plus de densité. Guillaume dit Le Pieux remet ainsi la villa de Cluny à une poignée d’hommes tournés vers un destin tout à fait exceptionnel, mais alors insoupçonné. D’une manière imagée, il tend la main en même temps vers la terre et vers le Ciel. Ce fut un grand déclic de l’Histoire pour la foi chrétienne, pour la Bourgogne et toute l’Europe. La graine du miracle est semée, elle n’a plus qu’à germer dans son terreau fertile.

 

          Le saviez-vous ? Guillaume eut un moment d’hésitation. Lorsque le duc invita Bernon à choisir un site pour le monastère qu’il désirait fonder sur son domaine bourguignon et tandis que tous deux se mettaient en quête d’un emplacement convenable, Bernon désigna la riche vallée de la Grosne. Le duc protesta, alléguant qu’il s’agissait de son terrain de chasse favori. À quoi Bernon aurait répliqué : Au Jugement Dernier, ô Duc, serez-vous mieux servi par les prières des moines, ou par l’aboi des chiens ? (La ville de Cluny et ses maisons XIe–XVe siècles.) Nous avons là une belle illustration du pouvoir de persuasion des grands abbés de Cluny !

 

       Selon son abbé fondateur Bernon, le Cluny des origines était petit et fort pauvre en biens. Mais au cours des Xe et XIe siècles les donations de terres viticoles et autres se multiplient. En contrepartie, les donateurs s’assurent les prières de la communauté monastique, pour se faire pardonner leurs transgressions, parfois graves, ou celles des membres de leur famille, et ainsi éloigner le spectre de l’Enfer. Ils sollicitent la protection de saint Pierre, Prince des Apôtres et patron de l’abbaye, au jour du Jugement dernier, les moines étant considérés comme des intercesseurs privilégiés et même nécessaires pro anima, pour le salut des âmes. Au fil du temps Cluny grandit et prospère grâce à tous ces dons fonciers et autres libéralités concédés par les familles nobles de la région. Parmi eux les comtes et vicomtes de Mâcon, Chalon et Nevers, les sires de Brancion, Uxelles, Salins et Beaujeu, les châtelains de Berzé, les ducs de Bourgogne, les évêques de Mâcon, Chalon et Autun. Sans oublier le lien privilégié avec le Saint-Siège à Rome ; à sa maturité, Cluny sous la gouvernance d’Odilon et Hugues le lui rendra avec une piété toute filiale !

 

        Cluny accumule ainsi quantité de terres cultivées et friches, vignes, vergers, prés, bois, pêcheries, cours et plans d’eau, fours, pressoirs, moulins, bâtiments d’exploitation, manses, curtils, fermes avec leurs serfs, églises et chapelles, dîmes et autres revenus temporels ou ecclésiastiques. Tout cela représente une abondance de biens couvrant un immense territoire qui s’étend d’Arles à Bâle, le vaste royaume de Provence-Bourgogne, du Dauphiné et des monts du Jura jusqu’au littoral de l’Atlantique, en passant par l’Auvergne. Comme toutes les structures de l’Europe féodale, l’Ecclesia Cluniacensis était enracinée dans la terre et cet enracinement permettait aux moines d’accomplir leur mission de prière pour eux-mêmes, mais aussi pour ceux qui combattaient et ceux qui travaillaient. (Didier Méhu, Cahiers clunisiens). Oratores, bellatores, laboratores forment ainsi la société des trois ordres, c’est-à-dire ceux qui prient, ceux qui combattent, ceux qui travaillent. On ne doit pas perdre de vue que, dans le contexte du Moyen-âge, la terre représente une valeur sociétale énorme. Sa possession, réservée à une petite minorité de privilégiés, confère le pouvoir et aussi du profit. Ne dit-on pas, avec envie plus que dérision, Partout où le vent vente, l’abbé de Cluny a rente !

 

         Situé en un lieu reculé mais loin d’être coupé du monde, la force de Cluny est d’avoir tout de suite établi son identité et matérialisé sur le terrain son destin. Aidé en cela, il faut le reconnaître, par les termes de sa charte fondatrice. Odon, deuxième abbé, dira avant de mourir, C’est Dieu lui-même qui s’est réservé la disposition de Cluny. La genèse de l’abbaye est réellement exceptionnelle. Cluny représente un travail de pionniers, non pas une copie mais l’original. Et un modèle pour d’autres communautés de moines et de moniales. Deux siècles plus tard, toujours en pays bourguignon, un second grand phénomène monastique se produira avec la fondation de Cîteaux. Une rivalité naîtra entre les deux brillantes congrégations. Ascension et mise sur orbite, de même qu’attraction-répulsion de ces deux comètes occupant le même ciel. On est un peu entre le réel et le romanesque ! D’après les frères Goncourt, Edmond et Jules, L’histoire est un roman qui a été, le roman est de l’histoire qui aurait pu être. Notre-Dame de Paris inspira le roman emblématique de Victor Hugo. Formons le vœu que Cluny puisse avoir un jour son Tolstoï, son Flaubert, son Hugo !

Grande nef et chœur, Cluny III au XIIe siècle (image bourgogneromane.com)

A son apogée, l’abbaye abrite jusqu’à quatre cent soixante moines ou profès, le double de frères convers ouvriers, accueillant jusqu’à deux mille visiteurs chaque jour. Sans oublier quantité de pauvres ou malades, veuves et vieillards sans ressources, tous nourris et soignés sur place, cet autre devoir incontournable des Bénédictins. Un nombre impressionnant de pauvres, 17.000 par an recensés, en moyenne 50 par jour. Au Chapitre Général de l’an 1132 le cortège processionnel réunit plus de 1200 moines venus de tout le continent. En certaines circonstances de grandes réceptions sont organisées pour les puissants de ce monde, tels le pape venu de Rome, les hauts dignitaires ecclésiastiques disséminés à travers toute l’Europe, le roi et la reine de France et d’Espagne, les ducs et duchesses de Bourgogne, tout ce beau monde avec leurs suites, cortèges de serviteurs, tous leurs chevaux logés dans les écuries. De même que, moins illustres mais plus nombreux, les essaims de pèlerins et de curieux, toujours en nombre croissant. Les pèlerins cheminaient vers Rome ou Saint-Jacques-de-Compostelle. Peu à peu Cluny devient lui-même un lieu de pèlerinage : il incarne l’âme de la chrétienté.

 

         Prestige ou piété, souvent les deux réunis, l’attrait du pouvoir, la magnificence, autant de motivations pour se rendre en un lieu qu’il faut avoir vu en ces temps-là ! Au cours de son long abbatiat de 1049 à 1109, l’illustre Hugues de Semur réussit à transformer la maison-mère avec ses plus de mille satellites à travers la France et toute l’Europe en un vaste empire monastique. Dans la hiérarchie ecclésiale son rang se place juste après le pape ; dans le monde séculier il est l’égal des rois. Hugues exerce sa prééminence dans la plupart des événements historiques de son temps. Rappelons que l’Église institutionnelle assure alors partout en Europe sa souveraineté spirituelle, intellectuelle et artistique. Reliant potestas et auctoritas, pouvoir et autorité, elle détient, mieux elle exerce une puissance temporelle considérable, étayée en cela par la noblesse terrienne. Pouvoir législatif, administratif et judiciaire. Seule l’Église, et non la noblesse guerrière trop divisée, offre un principe d’ordre. Sans cette optique religieuse on ne peut saisir la grandeur de Cluny, son effort d’évangélisation et même de conquête. L’école de Cluny attire les maîtres les plus renommés et les étudiants les plus brillants de son temps avides des sciences divines et humaines : théologie, lettres, philosophie, mathématiques, médecine, la culture des arts. On doit à Cluny des avancées majeures dans la notation de la musique (portée, notes, tons, clefs) et le chant, celui-ci élevé au sublime dans le grand chœur de l’église monumentale de Cluny III. C’est le souhait impérieux de saint Benoît, Que notre esprit s’accorde avec notre voix (ut mens nostra concordet voci nostræ, Règle 19, 7).

 

        Lors de sa visite pontificale en grande pompe en 1095, le pape Urbain II consacre le grand maître-autel de la maior ecclesia et proclame en 1098 à l’intention du père abbé Hugues de Semur et ses moines, Vos estis lux mundi – Vous êtes la lumière du monde. Cette déclaration  urbi et orbi scelle la reconnaissance universelle de la haute stature de Cluny, qui se voit ainsi nimbé de sacralité. Urbain ne s’est pas trompé. Les Clunisiens sont « les aristocrates de la prière. » (Patrick Boucheron, L’An Mil) Par un rayonnement immense, vrai rempart contre le désordre et le chaos qui guettent sans relâche l’humanité, Cluny mérite bien l’épithète « Phare de l’Occident ». Sa lumière éclaire, sa lumière impressionne, sa lumière attire. Un chroniqueur de l’époque s’extasie en disant que Cluny brille sur Terre tel un second soleil. Symbole de clarté, à l’opposé des ténèbres dans lesquelles certains aiment, à tort, reléguer l’âge médiéval. En parallèle Constantinople, Phare de l’Orient chrétien avec sa basilique monumentale de Hagia Sophia. Pour les Clunisiens c’est le temps lumineux de leur croissance. A coup sûr, en miroir, ils sont habités par un soleil intérieur. Lux magna, cette grande lumière qui inonde la maior ecclesia. Quelle que soit l’époque de l’histoire humaine et quel que soit le lieu, un temps de croissance est un temps heureux. L’abbaye poursuit son irrésistible ascension, mais il ne faut pas croire que tout cela est, pour ainsi dire, tombé du Ciel. Riche carrefour d’idées et de connaissances, Cluny nous offre un modèle médiéval à lui tout seul, une synthèse de toutes les valeurs de son temps, matérielles, morales et, non des moindres, esthétiques. Le miracle de Cluny ne cesse de se dessiner, de prendre de la consistance. Sa stature embrasse tout l’univers chrétien de l’Occident.

 

      Fruit des progrès techniques, l’église abbatiale de Cluny III est non seulement remarquable par sa hauteur et sa longueur exceptionnelles, mais aussi par sa beauté. Expression d’un génie architectural novateur, audacieux, aux proportions inédites, aux formes harmonieuses. Sa verticalité éblouit. Sa nef, son transept, son chœur, ses chapelles et clochers incarnent un art qui innove et va au devant de son temps, tout en reflétant les aspirations de ses moines. Une élévation structurelle accompagne son élévation spirituelle. D’une certaine manière, c’est une « cathédrale » romane. Ses bâtisseurs introduisent deux nouveautés patentes, l’arc brisé et l’arc-boutant, qui verront leur épanouissement un siècle plus tard dans le style gothique. Grandeur conquérante, mais aussi splendeur ornementale. Art se conjugue avec architecture, une abondance de prouesses s’inscrit dans la pierre. Plus de 1200 chapiteaux historiés, sols composés de mosaïques aux motifs des anges et des saints de La Légende dorée, murs intérieurs peints en riches couleurs polychromes, chandeliers en forme d’arbres de lumière, arbres de vie portant abondance de fruits.

 

     Contempler cette merveille devait engendrer émotion et ravissement. Le style architectural de Cluny, si caractéristique, représente l’apogée de l’art roman et s’est largement répandu. On pense à Paray-le-Monial, Salles-en-Beaujolais, Vézelay. Hildebert de Lavardin, évêque du Mans (1097-1125), dit avec poésie, Sa construction est d’une telle élégance, d’une telle majesté que, s’il était possible pour ceux qui demeurent dans les cieux de se réjouir dans une maison bâtie de mains d’homme, le déambulatoire de Cluny serait un lieu où se promènent les anges. (Haec eius decoris et gloriae est quam si liceat credi caelestibus incolis in huiusmodi usus humana placere domicilia quoddam deambulatorium dicas angelorum. Vie de saint Hugues, in Bibliotheca cluniacensis.) Non loin de Cluny, la Chapelle des moines à Berzé nous en donne un aperçu sur le plan de la peinture murale. On songe aux transports de l’esprit et des sens chers à Baudelaire. Plus tard il y aura aussi le palais abbatial construit au cœur même de Paris, pignon sur rue clunisien dans le Quartier latin, point d’ancrage à l’époque de toutes les congrégations religieuses et centre d’études théologiques.

 

          Rappelons la puissance d’autres lieux emblématiques au sein de la famille bénédictine, parmi lesquels figurent l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, le Mont-Saint-Michel, Kloster Eberbach et Westminster Abbey. Sans oublier, pas si loin de Cluny, la grande abbaye de Cîteaux. Cluny, Cîteaux allument des cierges dans toute la Chrétienté, dit Jean-François Bazin. Trois fois hélas, sans rien vous apprendre, les Cisterciens sont des Bénédictins qui ont mal tourné. La preuve ? Ils rompent avec leurs frères de Cluny en claquant la porte. Pire, en les calomniant furieusement, les stigmatisant de vanité, tombant eux-mêmes dans le plus grave des péchés capitaux, l’orgueil. Bernard de Clairvaux reconnaît pourtant la beauté de l’église clunisienne élevée à la plus grande gloire de Dieu. Mais, fortiter in re atque in modo, ardent défenseur de la doctrine et rigide dans son application, Bernard n’a aucune pitié envers ses prétendus adversaires. Abélard en fait les frais mais trouve refuge auprès du grand abbé clunisien Pierre le Vénérable. Pour un petit instant, rêvons que Cluny et Cîteaux se soient donné la main, Cîteaux avec son Clos de Vougeot, Cluny avec sa Romanée-Conti et son Chambertin : quel triomphe pour la Bourgogne des crus majestueux ! « I have a dream… »

la Rose emblématique de Cluny (image Flickr)
 

         Il est temps maintenant de vous parler de la ville séculière. A mesure que le monastère croît et prospère, la ville lui emboîte le pas, grandissant à son tour. La renommée de l’abbaye est un puissant moteur. Signe palpable de cette progression : l’abbé reçoit l’autorisation de frapper monnaie. Certains vont jusqu’à dire que Cluny est la Florence de l’époque médiévale. On travaille avec ardeur pour achever la construction et la somptueuse décoration artistique de la grande église abbatiale. Dès les premiers temps de la présence des moines, la bourgade vit en symbiose avec l’abbaye et en tire sa prospérité. La petite ville romane née à la porte du monastère, selon la charmante formule de notre regretté confrère Michel Bouillot. Œuvre immense de construction religieuse mais aussi civile. Il faut héberger le flux de pèlerins, on leur vend des objets souvenirs. La prospérité générée par les artisans et les commerçants s’installe progressivement et s’illustre dans l’architecture et la sculpture partout visibles. Par esprit d’émulation, les modèles abbatiaux sont repris dans le bâti urbain. L’art roman éclaire et enrichit la petite ville. De nombreuses et belles demeures sont construites, décorées de riches claires-voies à colonnettes cannelées, torsadées ou lisses, ornées de motifs en tous genres et couronnées de chapiteaux finement ouvragés. Le miracle s’étend !

Maison romane au 15 rue d’Avril (image bourgogneromane.com)

 

       Dans la ville abbatiale au XIIe siècle et encore au XIIIe, il y a donc prolifération d’œuvres sculptées. Les architectes historiens de Cluny parlent d’une véritable « explosion ». Quantité et qualité, diversité et harmonie, richesse et beauté. On assiste à une floraison tout à fait impressionnante dont la rose romane sculptée, largement répandue, dite la « rose de Cluny », fait figure d’emblème. La maison située au numéro 16 de l’actuelle rue de la République en offre un bel exemple. Logis de maçons et ateliers d’artisans sculpteurs se répandent dans l’enceinte de l’abbaye et à travers la ville abbatiale. C’est un chantier énorme, impressionnant par son ampleur et sa dynamique. Cluny à son apogée voulait être, semble-t-il, la nouvelle Rome. Cette comparaison est tout à fait justifiée, l’Église chrétienne étant organisée d’après le modèle de l’empire romain, ses évêques et autres grands dignitaires cléricaux endossant le rôle de préfets et de légats. Avec du recul, on peut se demander si l’élite intellectuelle du Moyen-âge ne cherchait pas à tout prix la restauration du modèle romain. Cluny devient un centre de commandement ecclésiastique, l’opulence de ses constructions sert à matérialiser les deux axes complémentaires et enveloppants de son pouvoir territorial et de sa domination spirituelle. En s’aventurant dans les rues étroites de la ville, on peut admirer encore aujourd’hui une profusion de façades médiévales aux contours romans, comme l’Hôtel des Monnaies, ou encore, non loin, la très belle maison au numéro 15 de la rue d’Avril (image ci-dessus). Cela donne un charme absolu, offrant au visiteur alerte et curieux un véritable dépaysement, un sentiment de gratitude envers les bâtisseurs et artistes à l’origine de toute cette beauté séculaire. S’il prête l’oreille, nul doute qu’il entendra le souffle du passé !

Après son impressionnante expansion structurelle dans les premiers siècles de sa longue histoire, l’abbaye entame son inexorable déclin à partir du XIIIe siècle. L’histoire n’est jamais figée, elle est en marche. Les raisons de ce déclin ? D’une part le développement économique des grandes villes, d’autre part la baisse des vocations monastiques liée à une évolution de la société. De même que l’ascendance des universités, comme Oxford, Bologne et Paris, cette dernière, la Sorbonne, devenant un éminent pôle théologique pour toute l’Europe. Les universités supplantent les monastères pour la transmission du savoir, dans tous les domaines y compris scientifiques. L’âge d’or a vécu, le crépuscule se profile, un Paradis perdu succède à l’Éden du premier âge. Voilà tout l’intérêt d’avoir établi l’Hôtel de Cluny, son « annexe » à Paris, cité en pleine expansion à l’époque : une solution de survie. Mais cette aventure « hors les murs » était d’une autre nature, son sort ne sera pas le même. A la Révolution les derniers moines sont chassés tels des feuilles d’automne tombées de leurs branches nourricières aux premiers frimas : l’acte de mort est prononcé. Dans la cité abbatiale retentit l’horrible choc du dies irae, dies illa, jour de colère que ce jour-là, l’État autorise la destruction, ouvrant ainsi la porte aux prédateurs. Le « Phare » d’un autre âge s’éteint comme un cierge mis sous l’éteignoir. Le chêne sacré est abattu dans une quasi indifférence. Ainsi prend fin le temps de l’épopée, ainsi commence le temps de la légende.

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Maison romane dessinée par Jean-Denis Salvèque, Centre d’Études Clunisiennes

 

     Les hommes et leurs monuments passent, la petite ville née de la grande abbaye demeure. Sans faire énormément de bruit, il est vrai, un peu à l’écart des grands axes et des centres urbains fourmillant de population et d’activité. Avec une exception notoire, le TGV qui passe tout près, offrant furtivement à ses voyageurs un panorama de la vieille cité abbatiale. Loin d’être endormie, la ville actuelle a plus d’une corde à son arc. Diversité et qualité, dans une ambiance chaleureuse, nullement désuète. Le bassin de vie cluunisois compte pas loin de 15.000 habitants, dont le tiers dans Cluny intra muros. On peut dénombrer plusieurs valeurs ajoutées dont la ville contemporaine s’est dotée pour perdurer et même se distinguer.

 

      Sur le plan des études supérieures, l’offre est riche et abondante. Ce n’est pas inintéressant pour les académiciens que nous sommes ! Le cœur de Cluny, disons-le, bat au rythme de son École Nationale Supérieure des Arts et Métiers, établissement d’enseignement supérieur et de recherche. Créée en 1901, elle a déjà formé maintes générations d’ingénieurs. Beaucoup d’entre eux ont développé pour ce lieu unique un attachement profond et y reviennent volontiers. En 2018 une École d’Ostéopathie Animale voit le jour ; sa compétence est déjà reconnue. Innovant, le Collège Européen de Cluny, « collège » du latin collegium, est un lieu de formation et de recherche sur l’innovation territoriale, accueillant à la fois des étudiants, des élus locaux et des acteurs territoriaux de France et de toute l’Europe pour étudier les grandes mutations sociétales et les nouvelles technologies. Ce collège a été fondé grâce à un partenariat entre le « Centre de Conférences Internationales de Cluny », qui propose aux étudiants ingénieurs sur place ainsi qu’au grand public des thématiques culturelles, techniques et économiques de notre temps, et l’Association des Régions d’Europe et des universités partenaires.

 

      Pour les chercheurs en histoire médiévale, il existe désormais, face au palais de l’abbé Jacques d’Amboise qui abrite la mairie, un fonds impressionnant de 14.000 volumes, comprenant des pièces rares. Il s’agit d’un don de Giles Constable, professeur émérite de l’Institute of Advanced Studies de Princeton University aux États-Unis, et de sa fille, elle aussi médiéviste reconnue. Il est important de rappeler que Cluny doit beaucoup à l’archéologue américain Kenneth John Conant, architecte et professeur d’histoire de l’art à Harvard ; c’est lui qui, au milieu du XXe siècle, met en lumière les richesses architecturales de la grande abbaye.

 

        Depuis quelques années les travaux ambitieux de restauration de l’abbaye vont bon train, relancés en 2010 lors de la célébration, avec ferveur, du onze centième anniversaire de la fondation de l’abbaye. Acteur patrimonial très engagé, la Fédération Européenne des Sites Clunisiens a créé Clunypedia, portail informatique très performant et qui donne à voir le rayonnement époustouflant de l’ancienne abbaye avec son réseau de plus de mille filiales dans l’Europe entière.

 

         Du haut de ses 200 ans, le Haras national, autre fierté historique et économique, reste un apanage florissant, placé sous la nouvelle bannière du groupement d’intérêt public Équivallée (qui fédère le Haras national, le Conseil départemental de Saône-et-Loire et la Ville de Cluny). Équivallée coordonne un centre équestre, la visite du Haras, l’Hippodrome et l’organisation de concours hippiques internationaux, de cabarets équestres, etc.

 

      L’Office de Tourisme, très à l’écoute des nombreux touristes venant du monde entier, surtout à la belle saison, contribue au dynamisme économique de la ville. Certains de ces visiteurs, en recherche de qualité de vie, oublient même de repartir, pour s’installer définitivement à Cluny ou dans les alentours !

 

        Pour se promener dans le centre riche d’histoire, un itinéraire original nommé « Les Chemins de Cluny » vous est proposé. Flâner dans les vieilles rues est un passe-temps hors du temps ! Les Écuries Saint-Hugues du XIe siècle, avec aux temps anciens une hostellerie à l’étage, abritent de nos jours le Théâtre-Cinéma Les Arts ainsi qu’une salle d’expositions d’art et d’artisanat, offrant des programmations culturelles stimulantes. Sans oublier, symboles ô combien parlants, le Jardin de Simples qui recense une centaine de plantes aux valeurs curatives, et la Roseraie clunisienne riche de centaines de variétés de roses anciennes et modernes provenant des sites clunisiens en Europe. Rappelons le vaste vignoble, emblème toujours bien vivant de l’ héritage « vert » légué par les moines, d’une valeur inestimable. Au temps de sa jeune croissance, la grande abbaye avait entamé un dialogue entre le ciel et la terre qui porterait de beaux fruits et en abondance.

la Chapelle des Moines, XIIe siècle (image pinterest)

 

        Parmi les joyaux du passé encore visibles à Cluny, citons la Tour des Fromages, appelée autrefois Tour des Fèves, les vestiges monumentaux de l’ancienne abbaye, le Farinier avec sa charpente en coque de bateau renversée, le Cellier des Moines et ses voûtes en « palmeraie », le Palais abbatial Jean de Bourbon du XVe siècle, site du Musée d’Art et d’Archéologie, l’Hôtel-Dieu très richement meublé, construit à l’initiative du 55e abbé de Cluny. À proximité le centre spirituel œcuménique de Taizé mondialement connu, attirant chaque année des milliers de jeunes, certains venus de très loin. Et cet autre lieu qui semble aussi cultiver une résonance avec le Ciel, le Carmel de Mazille, proposant régulièrement des rencontres interreligieuses. Non loin, la Chapelle des Moines à Berzé, Chapaize, Tournus, le château médiéval de Brancion, le Château de Cormatin, les profondes grottes calcaires de Blanot et le Grand Site de Solutré. Les visites scolaires et les cars de seniors se succèdent en toute saison, les chambres d’hôtes abondent. En plus de l’équitation, Voie verte, sentiers de randonnée, camping municipal et piscine complètent le menu ludique et sportif.

 

         Le tissu associatif de Cluny fonctionne à plein. De nombreuses conférences et des séminaires d’été sont organisés par le Collège Européen de Cluny portant sur des sujets socio-économiques et environnementaux d’actualité, attirant de très nombreux jeunes Européens de pays divers. Dans le droit fil de la vocation européenne de Cluny, héritage du réseau clunisien,  l’association Cluny Chemins d’Europe propose depuis 2003 des ateliers de réflexion philosophiques et d’analyse de l’actualité européenne. Elle a obtenu en 2013 le label « Maison de l’Europe », la seule en Bourgogne à avoir cette reconnaissance. Depuis le lendemain de la Seconde guerre et ses destructions, l’association des Amis de Cluny se dévoue sans compter à l’embellissement des points historiques de la ville, comme actuellement l’église romane Saint-Marcel dont le clocher élancé de style clunisien saisit le regard. Un noyau de bénévoles, encadré par des spécialistes, s’attache à restaurer et faire revivre une vieille bâtisse au nom intrigant, la Maison des Dragons ! Avec sa remarquable claire-voie et son chapiteau orné de dragons, d’où son nom, nous avons un bel exemple patrimonial illustrant le fait que Cluny est, juste après Venise, la ville où se rencontre le plus grand nombre, 150, de maisons du XIIe siècle. Le Centre d’Études Clunisiennes se tourne entièrement vers la mise en valeur de cet héritage culturel. Tous les étés les amateurs de musique affluent aux concerts de très haut niveau des Grandes Heures de Cluny, du Festival « Jazz Campus en Clunisois » et de nombreux autres festivals organisés dans les villages alentour.

 

         Sur le plan démographique, le territoire clunisois attire toujours en même temps qu’il connaît un vieillissement. Depuis les années 1990, le solde migratoire positif (nouveaux habitants moins départs) dépasse le solde naturel (excès des décès sur les naissances). La  progression quasi constante au cours des deux derniers siècles (4172 habitants en 1793, 4278 en 1861, 4150 en 1911, 3807 en 1968, 4430 en 1990) se confirme avec une augmentation de 28% ces 52 dernières années. On arrive ainsi à 4874 habitants en 2020.

 

         Le bassin d’emploi reste équilibré entre le nombre d’actifs qui viennent travailler en Clunisois et ceux qui partent travailler en dehors. Ce n’est donc pas un territoire « dortoir ». Présence et diversité des artisans d’art et des petites et moyennes entreprises. Agriculture, activité industrielle, construction et rénovation se situent au-dessus de la moyenne nationale, de même que les secteurs de l’administration, l’enseignement, la santé et les services sociaux. Près d’un salarié sur deux travaille dans le secteur de l’industrie manufacturière. Parmi les principaux établissements employeurs figurent Oxxo et Massilly, tous les deux avec un effectif de plus de 300, la Minoterie Forest (110 salariés) et les Voyages Clunysois (plus de 20 salariés).

 

        Le marché hebdomadaire du samedi est très fréquenté, les commerces « de bouche » sont  attrayants, de même que les nombreux restaurants et brasseries avec leurs terrasses.  Quelques magasins baissent le rideau, mais d’autres reprennent aussitôt, signe de vitalité qui ne trompe pas. Autant d’activités qui animent la cité, permettant à Cluny et ses environs bucoliques de rester attractifs, résistant à la léthargie qui mine trop de villes de province depuis des années. Cluny a-t-il un secret ? Il est certain que ses habitants cultivent un profond attachement à leur ville, sans tomber dans la nostalgie d’un temps glorieux qui n’est plus. Non seulement ils s’insèrent de façon naturelle dans ce cadre historique, mais ils font preuve d’ouverture au monde actuel, à ses nouveautés et à ses défis.

 


Tête d’ange, vers 1120, Cluny III Tympan du Grand Portail

sculpture identifiée par Kenneth John Conant

Musée d’art et d’archéologie, Cluny

Conclusion

 

         Des monastères et des églises, on en dénombre des mille et des cents. Mais un seul Cluny.  Impossible de trouver un équivalent. Même si l’on peut songer à Vézelay, à Chartres, et peut-être plus encore au Mont-Saint-Michel. L’étincelle originelle devient une flamme, un feu ! Est-ce une épopée ? Un miracle ? Avant tout une réalité historique. Avec sa part de mystère, comme l’ont ressenti récemment les artisans aux soins de Notre-Dame de Paris. Havre de sagesse et de paix, foyer de charité et de miséricorde, Cluny à son apogée incarne la Cité de Dieu chère à saint Augustin et préfigure la Jérusalem céleste. Construire l’abbaye, c’est pour l’homme de l’époque une façon de mettre de l’ordre dans son univers un peu chaotique. Bâtir, planter représentent des valeurs fondamentales. De Guillaume « le Pieux » aux abbés inspirés, de l’abbaye primitive au Phare de l’Occident, tout semble obéir à une passion créatrice. Et à un élan d’audace : l’homme aura aidé le « miracle » à voir le jour. Soin des âmes, soins de la terre aussi. Portés par la volonté, les Clunisiens réalisent un vieux proverbe, Avec une faucille d’argent, on moissonne des épis d’or.

 

      Évoquer l’abbaye, c’est évoquer la ville, tant leur juxtaposition est fusionnelle : la ville enserre avec délicatesse la Grande Dame historique. La ville séculière garde une profusion de traces artistiques de son ancien monastère et de son architecture civile médiévale. Dans son cadre d’exception, elle continue de fleurir sur le plan culturel. Il y a douze ans, faisant acte de mémoire, Cluny a célébré dans la liesse le onze centième anniversaire de la fondation de son abbaye. A présent un dossier d’Inscription au Patrimoine mondial de l’Humanité est entre les mains de l’UNESCO, incluant la Chapelle des Moines à Berzé, propriété de l’Académie de Mâcon. Pour notre monde en quête d’un idéal de vie, cette reconnaissance serait un très bel hommage. Et qui pourrait attirer de nouveaux et nombreux pèlerins vers la vénérable cité abbatiale.

 

                                                                                                     Edward Steeves

                                                                                           Titulaire Académie de Mâcon

                                                                                         Expert INAO Vins de Bourgogne

 

Ouvrages consultés

 

Bazin (Jean-François†) et Steeves (Edward), Des Moines et des Vins, en attente de publication.

 

Bernard (Auguste) et Bruel (Alexandre), Chartes de l’abbaye de Cluny (Recueil) 6 volumes et Préface, Paris, 1876-1903, Bibliothèque Nationale de France.

 

Bloch (Marc), La société féodale, Éditions Albin Michel, Paris, 1939/1968.

 

Censier, État des recettes et dépenses de l’abbaye de Cluny, 1321, Manuscrit/incunable sur parchemin, propriété de l’Académie de Mâcon en dépôt aux Archives Départementales de Saône-et-Loire.

 

Conant (Kenneth John), Cluny, les Églises et la Maison du Chef d’ordre, The Mediaeval Academy of America, Cambridge, Massachusetts, Imprimerie Protat Frères, Mâcon, 1968.

 

Cucherat (Abbé François), Chanoine honoraire d’Autun, Cluny au onzième siècle, Mémoire couronné par l’Académie de Mâcon, le 27 décembre 1850, Seconde Édition, Michel Dejussieu, Imprimeur de l’Évêché, Autun, 1873.

 

Déléage (André), La vie rurale en Bourgogne jusqu’au début du XIe siècle, 3 volumes, Protat Imprimeur, Mâcon, 1941.

 Diagnostic de Territoire du Clunisois 2020-2026, Communauté de Communes.

 Dion (Roger), Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXe siècle, Flammarion, 1977.

 Duby (Georges), La société aux XIe et XIIe siècles dans la région mâconnaise, Paris, École Pratique des Hautes Études, 1953.

 Grandchamp (Pierre Garrigou) et alii, La ville de Cluny et ses maisons XIe–XVe siècles, Éditions A et J Picard, Paris, 1997.

 Guerreau (Alain), Les douze doyennés clunisiens, in Annales de Bourgogne, 1980.

 Houdayer (Raymond), L’Exploitation agricole des moines de Cluny, in Millénaire de Cluny, Académie de Mâcon, Protat Frères Imprimeurs, 1910.

 Méhu (Didier), Paix et communautés autour de l’abbaye de Cluny (Xe–XVe siècle), Presses Universitaires de Lyon, 2001.

 Rauwel (Alain) et alii, Saint-Vivant de Vergy, un prieuré clunisien au cœur de la Bourgogne, Association de l’Abbaye de Saint-Vivant, Éditions Gaud, 2010.

 Regula sancti Benedicti – La Règle de saint Benoît, Desclée de Brouwer, 1980.

 Steeves (Edward), Cluny, le vignoble invisible, Académie de Mâcon, 2013.

 Valous (Guy de), Le domaine de l’Abbaye de Cluny aux Xe et XIe siècles, in Annales de l’Académie de Mâcon, Tome XXII, 1920-21.