Trait d'humour sur une question grave

les modifications climatiques

Jean-Pierre BOUREUX

Académie Nationale de Reims

« Parler de la pluie et du beau temps » serait indigne d’un académicien, ce pourquoi je vais évoquer, avec la stupidité d’un béotien, le temps qu’il fait, celui peut-être qu’il fera. Vaste, gravissime et lourd sujet qui siérait à l’atlante que je ne suis pas, à l’ange des cieux d’Assomption que je ne pourrais être. Folle entreprise donc. Tentons le défi.

Deux ou trois décades en arrière, une hypothétique modification climatique ne relevait au mieux que d’une sotte conversation sur le zinc, au Café du Commerce du bourg. Certes, dès les années Soixante des spécialistes avaient alerté, en vain, à ce sujet. Quelques adeptes de versets inscrits dans les Livres sacrés préféraient encore les prières à la science, pour le cas peu probable où surgirait une catastrophe. Hors sujet en fait pour un contemporain des « Trente glorieuses ».

Chez nos politiques le : « pas de bruit, pas de vagues » fut omniprésent, accompagné du souci de ne pas mécontenter des électeurs en proposant des lois qui viendraient modifier une économie en marche vers la mondialisation. Alors quelques écologistes, rêveurs utopistes, pouvaient bien occuper le Larzac ou errer à Katmandou, cela n’allait en rien ralentir la progression productiviste de l’Occident, n’en déplaise à René Dumont.

Vinrent pourtant quelques faits troublants vérifiables, des séries de chiffres qui mettaient en rapport la prodigieuse expansion industrielle des XIXe et milieu XXe siècles et la hausse des températures moyennes sur la planète. Nous rendre à l’évidence : corrélation il y avait. Contestation il y eut. Des opposants égrenaient leurs arguments, faisaient connaître que les dates des vendanges avaient constamment oscillé depuis des lustres (10 août 1556 et 19 octobre 1600 en Laonnois), de même que le niveau marin, à des époques où nulle activité ne semblait pouvoir expliquer ces variations. La préférence fut toujours accordée aux bonimenteurs qui prédisaient à six mois que l’été surchaufferait et l’hiver glacerait. Plutôt donc les prévisions d’Albert Simon, à trente jours sur Europe 1, que celles des bulletins de Météo-France, à soixante-douze heures.

Inexorablement le climat de la planète est entré dans une phase de réchauffement vérifiable, très ressentie cet été. Il s’accompagne de variations intenses de la pluviométrie et semble évoluer vers un lessivage des sols devenus peu réceptifs à l’ondée salvatrice. Dans le même temps, la mer monte et la montagne dégringole ; des secteurs entiers de l’économie s’assèchent quand, en premier, l’agriculture a soif. Le Monde des 21 et 22 août derniers publie un entretien avec Céline Guivarch, économiste, et interroge la climatologue Valérie Masson-Delmotte : urgence il y a. Innombrables plaies d’Égypte à craindre.

Impuissant je trouve refuge à l’entrée fraîche des creuttes de mon village troglodyte de Paissy (Aisne), quand bien même la rétraction des terres et des roches provoque dans la falaise lutétienne des crevasses inquiétantes, annonciatrices d’éboulements futurs. J’opte pour l’ignorance.

Alors je convoque « La Pie » de Monet et tombent les degrés, évite Étienne Dinet dont les toiles aux indigènes alanguies et dénudées échauffent mes sens. Insuffisant ? J’écoute les « Jeux d’eau » de Ravel et Debussy, éloigne tonnerres et éclairs d’un Rameau et cours sous le végétal vers le doux abri d’Haendel, « Ombra mai fu ». Hypnotique ? Au risque de m’incommoder, je m’inonde d’un parfum à odeur d’eau, élaboré sur une base de pétrichor et d’ozone. Tous ces remèdes sensoriels me tranquillisent, pour l’instant.

Et j’attends inquiet, pas encore dépressif, l’avancement certain du réchauffement climatique. Par heureuse disposition, je demeure environné des vapeurs de culture générale ancienne, celle qui, au fond, devrait plaire aux femmes et hommes de nos Académies curieux de s’informer autrement que par ces lignes.

Jean-Pierre BOUREUX

Membre titulaire de l’Académie Nationale de Reims