LES SPÉCIALISTES DE LA CONNAISSANCE DE LA TERRE EN BEAUJOLAIS

Alors qu’aujourd’hui le Beaujolais est reconnu comme un site mondial par l’UNESCO (1), il est
bon de nous souvenir des hommes ayant connu la joie de découvertes, qui enrichissent la
science et l’homme participant à la connaissance de notre Monde, dont la Terre. Les terrains
beaujolais, les minéraux beaujolais nous informent que des hommes se sont passionnés pour notre terroir, y découvrant des nouveautés propres à enrichir notre savoir et propres à susciter un besoin de savoirs nouveaux. Les noms de certains lieux du Beaujolais sont connus bien au-delà de nos frontières. Qu’on en juge : on parle encore aujourd’hui de Chessylite, ce carbonate de cuivre bleu dont la beauté a fait que tous les grands musées du monde en possèdent. Bien sûr, on l’appelle dorénavant Azurite mais son appellation d’origine reste la référence pour beaucoup d’entre nous. Chessy sera encore le berceau de la cuprite renommée et de la smithsonite , trois cristallisations exceptionnelles, qui font saliver les collectionneurs.

Une localité a donné son nom à une minéralisation : la romanèchite.

Le village de Romanèche, bien que situé en Saône- et- Loire, appartient au terroir du moulin-à-vent, l’un des cru célèbres du Beaujolais. Une mine de manganèse, la plus importante de France au dix-neuvième siècle, située en plein coeur du Village a posé des problèmes aux responsables de l’église contre laquelle l’un des puits était installé. Le minerai exploité contenait une proportion constante de baryte associée au manganèse. Toute mine dans le Monde, exploitant cette association manganèse- baryte porte le nom de Romanèchite. Une collection magnifique de romanèchite est visible dans un des bâtiments du zoo de Romanèche. C’est le géologue et minéralogiste Déodat Gratet de Dolomieu, qui l’identifia au XVIIIe siècle.

Dans les Bourses minéralogiques de France, toute personne voyant un certain cristal posé sur de la fluorite ou de la baryte, vous dira : « c’est du Lantignié. » Dire ceci, c’est reconnaître une wulphénite souvent quadratique et orangée dépassant rarement un centimètre. Un véritable trésor pour les minéralogistes ! Pour les curieux avides de connaissances très fines, il s’agit d’un molybdate de plomb Plus étonnant encore, allait être de découverte une cristallisation verte très fine, en bâtonnets ou tonnelets, la nussiérite, appellation provenant du nom d’un hameau situé près de Chênelette. Le hameau de la Nussière recèle tout un réseau de mines caractérisées par la présence de plomb vert. On l’appelle pyromorphite, un minéral présent dans tout le Haut-Beaujolais, notamment à Propières, Les Ardillats et Monsols.


Certains conservent l’appellation nussiérite (en Chine notamment et dans les pays de l’est
européen). La présence d’arsenic dans le plomb vert qu’est la pyromorphite beaujolaise justifie la désignation donnée par un Allemand, Danhauser, membre d’une famille de musiciens renommés internationalement. Ce monsieur Danhauser est venu interroger la terre beaujolaise dans l’espoir de découvrir des minéraux et des cristallisations nouveaux. Il a créé le Comptoir français de minéralogie à Paris et a été membre de l’Académie nationale de Metz.

Un minéral trouvé dans ces mines de La Nussière a été appelé drélite. C’est toute l’aventure du marquis de Drée, dont le château se trouve près de la Clayette en Saône-et-Loire. Au XIXe
siècle. Le marquis de Drée (1760-1848) se passionne entre autres pour les minéraux. Il s’intéresse par ailleurs à l’élevage de la race bovine charolaise tout en étant un élu sous le régime de la Restauration. Son histoire est étonnante et mériterait une présentation couvrant un chapitre au moins avec la mention de son mariage avec Alexandrine, la soeur du savant Déodat Gratet de Dolomieu, minéralogiste.

En 1810, il se proposait déjà de vendre sa collection de minéraux qui comptait 13 750 éléments dont 6 300 minéraux purs, sans compter les pierres précieuses taillées. La moitié de cette collection se trouve à l’Ecole des Mines.

La drélite trouvée à La Nussière est de la calcite blanche.

Avec son beau-frère Dolomieu, il établit que des phénomènes volcaniques se sont manifestés
dans le Brionnais près du château de Barnay, près de Saint-Denis-de-Cabanne, grâce à la découverte de basalte. Frédéric Gaudry, actuel président du club de Chessy, a montré récemment que deux autres lieux du Brionnais attestaient d’activités volcaniques, lui qui a dressé la carte géologique du Brionnais, en savant d’aujourd’hui.

Que dire de Gratet de Dolomieu, lui qui a découvert ce que l’on appelle la dolomite, carbonate de calcium, présent dans deux massifs contigus en Italie, les Alpes de Fiemme et  les Préalpes vicentines, le nom de Dolomites tiré du nom de notre savant, a remplacé en 1876 les noms cidessus attribués depuis très longtemps. Les Dolomites portent le nom de ce savant français mort à 52 ans en 1802 et enterré aux portes du Beaujolais, au château de Châteauneuf, près de Chauffailles.

Des lieux célèbres du Beaujolais, on passe facilement aux noms d’hommes réputés qui ont
fréquenté le Beaujolais.

Le plus célèbre d’entre eux est Alfred Lacroix. Né à Mâcon en 1863, il est mort à Paris en 1948. C’est assurément le plus grand minéralogiste français. Géologue, vulcanologue, professeur au Muséum d’histoire naturelle, professeur au Collège de France, il a été le secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences pendant 34 ans ! Son oeuvre est colossale comme en témoigne son ouvrage intitulé La minéralogie de la France en 6 volumes publiés entre 1892 et 1910 ; cette véritable somme est encore rééditée régulièrement de nos jours. On en est encore à se demander, lorsque quelqu’un découvre un nouveau site ou un nouveau ” Est-ce que Lacroix ne l’a pas déjà décrit ? Il est devenu spécialiste des volcans suite à ses observations consignées lors de l’éruption de la Montagne Pelée, qui fit 30 000 victimes à la Martinique, en 1902. Il était le fils et petit-fils de pharmaciens ayant exercé à Mâcon, de sorte que son grand- père le conduisait dès son plus jeune âge à la découverte de mines alors actives du Beaujolais avec des attentions plus particulières pour celles de Romanèche et des Ardillats. Toutes les mines étaient alors visitées dès le début des vacances scolaires. Il n’est pas étonnant qu’à 18 ans Alfred Lacroix ait été correspondant du Muséum. Ses études et ses recherches l’ont placé au sommet de la connaissance minéralogique, d’où ses visites en tous lieux de France ainsi qu’en l’Afrique française et à Madagascar, dont les comptes rendus ont fait l’objet d’un ouvrage particulier. A ce géant de la science, il convient d’ajouter un homme, spécialiste mondial de la fluorite qui a légué sa collection fabuleuse au musée des Confluences à Lyon, sa ville. Cet homme, Alexis Chermette, a pu contribuer de manière décisive à l’exploitation des mines de Lantignié, qui ont livré la fluorite et de la baryte jusqu’en 1960. La richesse et la renommée de ces mines a suscité la curiosité et la passion des collectionneurs jusqu’à aujourd’hui.

Un grand chercheur, s’il n’a pas fouillé le Beaujolais, s’y est installé après avoir fait fortune par ses découvertes d’un nouveau minéral. Il s’appelait Jules Garnier (1839- 1904). Ingénieur des mines de Saint-Etienne, il a été envoyé en Nouvelle-Calédonie pour répertorier les possibilités minières ; il a ainsi fait la découverte d’un nouveau minéral, le nickel, auquel on a donné un dérivé de son patronyme, en l’occurrence la garniérite. Le nickel est un produit qui renforce la solidité des aciers et qui est indispensable à la sidérurgie. Jules Garnier, enrichi, s’installa à Régnié-Durette, au château de la Pierre, et épousa une fille de Beaujeu. Lorsque l’on dit “Garnier” à Régnié-Durette, on vous répond : “Ah ! le Général !”, son fils, en l’occurrence. On a oublié le père. Il est vrai que l’on retient mieux les noms des militaires que ceux des chercheurs…

Nous terminerons cette brève présentation par celle d’un homme qui n’est jamais venu en Beaujolais mais à qui on a soumis à l’examen certains de ses minéraux dont la chessylite, qu’il a su reconnaître comme carbonate de calcium. Il s’agit de René-Just Haüy qui a su classer les minéraux en fonction de leur configuration géométrique. Sa classification reste reconnue même si de nouveaux critères modifient son travail. Il a été le contemporain de Lavoisier qu’il a défendu sous la Révolution.

Nous arrêtons ici notre recherche sur les hommes de la terre qui ont développé la connaissance de ce qui devient la géologie. La minéralogie n’est qu’un tout petit aspect de la géologie. Elle nous apporte quelque chose de très intéressant : la géométrie présente en toutes les pièces minérales.

Maurice Saulnier

Note :
1. Voir l’article rédigé par le même auteur et intitulé Le Beaujolais, élu géoparc de
l’UNESCO, in revue Dombes n°41 de 2019, page 53.
2. La Chessylite bleue (M. Saulnier)
3. La romanéchite est en noir ( J.C. Martin)
4. La Wulphénite orange (J. Gastineau)
5. La pyromorphite verte (M. Saulnier)