HISTORIQUE

Quelques notables marseillais formèrent vers 1715 une société scientifique et littéraire. Le maréchal de Villars, gouverneur de Provence, la prit sous sa protection et obtint en août 1726 des lettres patentes qui l’érigeaient en académie des belles-lettres. L’Académie naissante fut également, grâce à lui, affiliée à l’Académie française, dont il était membre. Il a fondé le plus ancien des prix que décerne l’Académie, qui porte son nom. Elle comptait initialement vingt membres titulaires et des membres associés – ainsi en 1746, Voltaire, à la demande de ce dernier.

L’Académie fut d’abord surtout vouée aux exercices littéraires sous l’impulsion de son premier secrétaire perpétuel, le poète et orateur Antoine de Chalamont de la Visclède (1695-1760). Après sa mort, elle fut autorisée en 1766 par lettres patentes à prendre le titre d’Académie des belles-lettres, sciences et arts. Il s’agissait alors des arts appliqués, c’est-à-dire des techniques, car une académie de peinture et sculpture avait été formée en 1752 par les artistes marseillais à des fins d’enseignement. Le nombre de ses membres fut porté à trente, partagés entre littéraires et scientifiques. Daniel Roche a mis en évidence les deux originalités de son recrutement d’Ancien Régime : le nombre des négociants, sans égal dans une autre académie française, et son ouverture aux protestants avant même qu’ils soient officiellement reconnus.

L’Académie encourage à la fin de l’Ancien Régime le développement des savoirs scientifiques et des Lumières par les contributions de ses membres et les sujets de ses concours annuels. A la suite de la suppression des jésuites, l’observatoire royal de Marseille qu’ils avaient fondé lui est confié en 1781. Au début de la Révolution, l’Académie suggère de former une bibliothèque publique à partir des livres des couvents supprimés et elle en reçoit d’abord le dépôt. Un de ses membres, le docteur Claude-François Achard (1751-1809), sera ensuite nommé bibliothécaire de la ville et créera la bibliothèque et le musée. Lorsque le 3 août 1793, la Convention nationale supprime les sociétés littéraires, Achard préserve les archives de l’Académie. 

Dès 1799, Achard ressuscite l’Académie à travers le Lycée des sciences et des arts. Cette réunion d’esprits choisis reprend en 1802 le nom d’académie. En 1806, son nouveau règlement fixe définitivement le nombre de ses fauteuils à quarante. Elle devient Académie des sciences, lettres et arts (au sens des beaux-arts, l’Académie de peinture n’étant pas reconstituée). Elle compte parmi ses membres associés le sculpteur italien Canova, le poète allemand Goethe et un évêque de Marseille aujourd’hui canonisé, saint Eugène de Mazenod. En 1832, elle accueille Lamartine, de passage à Marseille, qui lui donne la primeur de son poème Adieux à la France en prélude à son voyage en Orient. Au cours des XIXe, XXe et XXIe siècles, l’Académie puise ses membres dans l’élite intellectuelle, artistique, industrielle et portuaire, militaire et religieuse de Marseille, parmi les membres des grands corps de l’Etat, le personnel des lycées, des facultés et du Cnrs, les conservateurs des musées, bibliothèques et du cabinet des médailles de la ville. Le nom de nombre d’entre eux a été donné à une rue de Marseille, certains ont mérité une statue. En 1904, l’un d’eux, le poète Frédéric Mistral, a été couronné du prix Nobel de littérature.

A la fin du XIXe siècle, Madame Dosne, belle-soeur d’Adolphe Thiers, fait donation à l’Académie de la maison natale du premier président de la IIIe République. Elle peut s’y installer en 1902, devenant la gardienne de la mémoire d’un Marseillais tôt établi à Paris qui ne figura jamais parmi ses membres.

Aujourd’hui, l’Académie tient une séance ordinaire tous les quinze jours et une séance publique chaque année pour la remise de ses nombreux prix. Elle met à profit sa pluridisciplinarité et les multiples savoirs de ses membres pour conduire une politique exigeante de conférences et de manifestations publiques, grâce en particulier à son partenariat avec la Grande bibliothèque à vocation régionale de l’Alcazar, ouverte en 2002, où elle a une salle de séances. Une association des amis de l’Académie, fondée en 2015, l’aide à entretenir l’hôtel de la rue Thiers, sa riche bibliothèque ouverte aux chercheurs et ses collections. Une exposition a révélé ces dernières à un large public en 2015. Elle organise régulièrement des conférences et des colloques, offre sa collaboration à des institutions et organismes culturels et s’ouvre à des partenaires et des curieux qui en partagent les valeurs et les centres d’intérêt. A travers les actions qu’elle conduit, la doyenne des sociétés savantes et culturelles de Marseille poursuit ainsi son bénévolat de compétences au service de la cité qui est sa raison d’être depuis près de trois siècles.